Carbon Diaries 2015 - Saci Lloyd
Carbon Diaries 2015 : le journal de Laura Brown
De Saci Lloyd
Traduit de l’anglais par Sylvie Denis
Pocket jeunesse – mai 2012
Nous sommes en 2015. Suite à la Grande Tempête de 2010, la planète n’a pas d’autre solution que de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, brutalement et drastiquement. C’est du moins ce qu’entreprend l’Angleterre, et Londres, avec des cartes de rationnement en consommation de carbone. Laura commence à tenir un journal de sa vie bouleversée. On ne se déplace quasiment plus, on ne cuisine pas de plats mijotés, on minute le surf sur Internet, etc. Evidemment, un marché noir s’installe. Lycéenne moyenne, la jeune fille vit très mal les cours d’économie d’énergie. Membre d’un groupe de punk-rock, elle hésite à s’engouffrer dans le courant Straight X, qui milite pour une Terre et des habitants propres. Et au sein de sa famille, des conflits qui couvaient explosent. Laura persiste malgré tout à croire que la situation n’est que temporaire. Mais au contraire, elle va s’aggraver dans le courant de l’année : restrictions en eau décidées par un pouvoir aussi omnipotent qu’invisible, puis émeutes, et enfin inondations, donc maladies…
Dans la grande vague des romans de fin du monde, Carbon Diaries est sans doute un des plus réalistes : un jour, il nous faudra très certainement réduire notre consommation d’énergie, partant nos habitudes de vie, et ce sera violent. L’ouvrage adopte la forme d’un journal, et, si le « je » garde son habituelle force, les événements relatés nous parviennent par bribes, des instantanés parcellaires mais d’autant plus marquants. Le suspense se construit facilement, et l’émotion transperce sous les mots du quotidien – j’aime beaucoup le personnage goguenard d’Arthur, vieux soldat aguerri. La jeune Laura se réfugie souvent vers lui au fur et à mesure que son univers dégringole, et que ses relations familiales deviennent folles.
De lecture simple, le reste est relativement classique (et efficace !), même si des passages amusants (ou plutôt tragi-comiques, comme le promet la couverture), notamment autour de Kevin, coiffeur gay qui réinvente les clubs de rencontres ou du Straight X extrémiste que les amis de Laura voient d’un drôle d’œil, peuvent constituer des variations agréables. Et puis, l’auteur n’a pas oublié de faire de son personnage une vraie adolescente, un peu auto-centrée et rapidement dans le déni : elle aime sans retour avec jalousie, elle se dispute avec sa mère et sa sœur, elle ne supporte pas son père au chômage...
Au fond, je ne sais pas trop comment on lit de tels romans : avec l’appréhension de ce qui nous attend peut-être dans un futur tout proche, avec le voyeurisme de celui qui est bien au chaud, avec le croustillant d’un roman plein de tension… un peu de tout cela, sans doute. Il y aura une suite, que je trouve intelligente : Carbon Diaries 2017. Deux ans plus tard, le monde aura évolué, que ce soit climatiquement ou politiquement, et on ne craint pas l’effet de redite ni même de continuité.
en haut, la couverture française, très parlante mais pas très très jolie
en bas, la couverture anglo-saxonne, moins dans le ton (consacration du retour de la nature ?) mais davantage esthétique
dans les deux cas, ne vous inquiétez pas : impression sur papier recyclé ! (et c'est aussi bien que sur papier blanc, d'ailleurs...)
« Mais s’ils savaient que ça allait arriver, pourquoi n’ont-ils rien fait ? – Bonne question. La construction des nouvelles centrales nucléaires a été retardée à cause de toutes les protestations, la production éolienne offshore ne fournira que 30 % de nos besoins, et l’hydrogène est encore un beau rêve pour le futur. Nous sommes accros au pétrole et au gaz, Ravi. On est à court de drogue. » (p. 29)