Personne ne te sauvera
de Fabrice Colin
Flammarion – collection Tribal - 2013
Manon a dix-sept ans. Manon découvre qu'elle risque à tout moment un anévrisme cérébral. Manon refuse la situation. En cachette de tout son entourage, elle part pour Las Vegas avec ses économies. Pour se perdre, pour oublier, et on verra après. Lors d'un spectacle miteux, elle rencontre Dorian, homme entre deux âges qui prétend être un vampire. Elle le croit, et le poursuit afin qu'il la transforme. Après un moment de déni, Dorian accepte que Manon le suive dans son quotidien, durant une semaine qui va insidieusement bouleverser la vie de la jeune fille.
Parce que Manon enregistre des scènes de vie sur son Ipod, et qu'elle est le reste du temps narratrice, le roman fait évidemment penser à Entretien avec un vampire d'Anne Rice, par ailleurs cité dans le livre. Ce découpage en « tranches » structure l'histoire autour d'une sorte d'attente, une attente de quelque chose qui ne viendra pas forcément. Le décor de Las Vegas, ville en apesanteur dans le désert, ville des illusions, ne fait que renforcer cette impression.
Ni Manon ni Dorian n'expriment leur sentiments respectifs au long du roman, et il faudra le carnet final du vampire pour percer quelques secrets. Le temps passe, Manon voudrait ne jamais devoir choisir. Entre elle et Dorian se noue une relation étrange, basée non pas sur la séduction mais sur une complémentarité – qui n'exclut pas une certaine sensualité -. Elle voudrait mourir sans souffrir (ou pas), lui supporte sa longue et lente condition.
Toujours fasciné par l'Amérique aussi bien que par le fantastique, Fabrice Colin brode un drôle de roman (ce n'est pas mon préféré) qui envisage le monde des vampires de façon très humaine, et vice-versa l'existence terrestre comme un moment aussi fugace qu'infini. L'écriture au scalpel, presque brutale, les psychologies implicites et complexes finissent de rendre saisissant Personne ne te sauvera.
« C'est la brièveté de l'existence qui lui confère son incomparable éclat, c'est sa finitude qui la rend si belle, l'espoir d'un ailleurs, l'espoir d'un monde sans temps qui nous permet de supporter les épreuves qu'elle nous inflige. » (p. 142)