Yakoubwé
de Thierry Dedieu
Seuil jeunesse – mars 2012
D'entrée de jeu, le lion Kibwé disparaît, tué par les villageois vengeurs. Inconsolable, Yakouba tranche la tête de son ami, et s'enfuit. Après avoir beaucoup erré, le jeune homme s'installe à égale distance du territoire des hommes et de celui des lions, et sème la terreur. On le croit fou, on le craint surtout. Mais petit à petit, la frontière physique qu'il a instituée devient aussi morale : hommes et bêtes parviennent à vivre en harmonie. Après sa mort, Yakouba reste dans les mémoires.
Synthèse des deux albums Yakouba (1994) et Kibwé (2007), Yakoubwé est sans doute le plus dur, le plus puissant aussi. En dépassant leur histoire personnelle, en se sacrifiant, Yakouba et Kibwé vont faire œuvre de pacification. Le prix est toutefois très choquant, et il n'y a rien d'étonnant à ce que le parcours de Yakouba devienne une sorte de mythe, une histoire que l'on raconte le soir au village. Leçon philosophique en très courtes phrases, Yakoubwé se pare une nouvelle fois d'immenses illustrations épurées en noir et blanc sur fond crème, des traits suggestifs et expressifs qui ont fait le succès des deux premiers ouvrages. Tout se passe comme si les personnages de Yakouba et Kibwé avant hanté, sur dix-huit ans, Thierry Dedieu et le lecteur avec lui. L'auteur nous montre une lente maturation des événements, nous offre un espoir final (en couleurs sepia, un peu plus chaudes et complexes) que l'on peut trouver aussi chagrin. Dans tous les cas, on en ressort assez bouleversé.
10/20