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Les riches heures de Fantasia
12 octobre 2012

Kill all ennemies - Melvin Burgess

Kill all ennemies

de Melvin Burgess

traduit de l'anglais par Nathalie Peronny

Gallimard jeunesse – collection Scripto – 2012

« Kill all ennemies », c'est le nom du groupe musical qu'aurait aimé fonder Rob avec ses amis, avant son déménagement chez un beau-père qui le rabaisse continuellement. Généreux mais maladroit, le jeune homme cherche des appuis pour éviter de se faire tabasser à l'école. Ce pourrait être Billie, si elle n'avait pas déjà ses propres problèmes : après avoir soutenu sa sœur et son frère face à une mère alcoolique, elle a atterri en famille d'accueil, où des colères monumentales la prennent sans prévenir. Et puis, il y a Chris, cas un peu particulier de garçon de bonne famille qui ne voit aucun intérêt aux études scolaires et veut autant son indépendance que Rob et Billie. Ces trois-là, qui allaient au même collège mais ne se connaissaient pas, vont se retrouver dans un établissement pour jeunes en difficulté, se heurter violemment, avant de s'unir pour... le heavy-metal, évidemment.

Nous suivons en alternance les voix des trois figures principales, et aussi celle d'une éducatrice, Hannah. Un même événement peut donc être raconté sous différents angles, mais les personnages évoluent aussi souvent seuls. On comprend mieux cette construction en lisant la postface de l'auteur, qui explique que l'ouvrage était à l'origine une commande (avortée) d'un documentaire télévisé. Melvin Burgess a passé nombre d'entretiens auprès de jeunes, et, en décidant d'écrire ce livre par la suite, il a extrait des caractères sans doute à peine romancés, faisant s'entrecroiser leurs vies dans une fiction montée elle de toutes pièces. Le lien entre les jeunes est d'ailleurs parfois extrêmement ténu : il ne faut pas s'attendre à une histoire close sur elle-même, maîtrisée de bout en bout. C'est un peu comme si l'auteur avait justement laissé chacun des jeunes gens évoluer selon les hasards de l'existence, se contentant d'observer leurs parcours cahotique par le biais de son narrateur omniscient et aussi de Hannah.

L'écriture est, comme d'habitude, implacable, honnête jusqu'à en être un peu sèche, et c'est sans doute le ton qu'il fallait pour ce sujet délicat. Comment insérer des jeunes qui refusent les règles de la société ? Quel avenir se profile pour eux ? Qu'est-ce qui les a amenés tellement en marge ? Les psychologies de chacune des figures, y compris Hannah, sont fouillées, puisque nous pénétrons directement dans leurs pensées (on ne peut pas dire que le livre soit très dialogué). Leurs souffrances mais aussi leurs contradictions apparaissent assez clairement, composant un portrait juste de la jeunesse dite « à problèmes » d'aujourd'hui. Et c'est là que se pose la plus grande des qualités d'écrivain de Melvin Burgess : savoir happer l'air du temps de l'adolescence et le rendre avec à la fois réalisme et émotion, jouer le rôle d'alarme dans un monde qui ne souffre pas la différence ou/et la douleur.

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« A mes yeux, ces enfants sont loin d'être des fauteurs de troubles ; ce sont des héros. De vrais héros de tous les jours, qui renoncent à leurs propres chances d'avenir pour veiller sur leurs proches – si ça, ce n'est pas de l'héroïsme ! Et que reçoivent-ils en échange ? Le système tout entier leur tombe dessus comme un camion de briques. Et puis, il y a, bien sûr, les véritables bons à rien. On s'efforce d'apprendre à les reconnaître. Avec le temps et l'expérience, ça finit par venir. Du moins, c'est ce qu'on croit. Jusqu'au jour où quelqu'un vient ébranler toutes vos convictions. » (pp. 234-235, Hannah).

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Commentaires
B
vraiment envie de le lire. je garde un très bon souvenir de ma dernière lecture de Burgess : Junk même si c'est un livre déjà vieux.
M
J'aime beaucoup ce qu'écrit Melvin Burgess, je suis curieuse de découvrir celui-ci !
F
> Tasha : il est sans doute moins "fictionnel" que d'habitude... je comprends ton amie.<br /> <br /> > Marilyne : alors c'est moi qui attends ton avis !
M
Ah, très envie de connaître ton avis mais, en même temps, ce roman m'attend juste là, et si je te lis aucune chance que j'écrive ensuite... ;-)
T
J'ai très envie de le lire et ton billet me conforte dans cette envie : une amie qui enseigne en collège me l'a également recommandé tout en me disant qu'il ne serait pas facile à conseiller à ses élèves.
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