Miss Peregrine et les enfants particulier - Ransom Riggs
Miss Peregrine et les enfants particuliers
De Ransom Riggs
Traduit de l’américain par Sidonie van den Dries
Bayard jeunesse – mai 2012
On ne sait pas trop si l’auteur est partir des vieilles photographies insolites pour ne pas dire monstrueuses afin d’écrire son histoire ou au contraire, s’il avait décidé de son intrigue et a passé du temps à chercher des images plus ou moins correspondantes. Toujours est-il que l’ensemble s’agence avec brio et un naturel que peuvent jalouser bien d’autres romans bâtis sur le même principe.
Le grand-père de Jakob l’a bercé d’histoires étranges de son passé, autour d’un orphelinat sur une île anglaise pendant la 2nde Guerre Mondiale, qui aurait été un eden en comparaison des monstres qui traqueraient le vieil homme aujourd’hui. Enfant, Jakob faisait des cauchemars de ces récits, avant de grandir et de ranger tout cela parmi les contes de fées. Jusqu’au jour om il retrouve son grand-père mort, griffé sur tout le corps, atrocement défiguré. Il va mener une enquête, poussant ses parents (inquiets pour sa santé mentale) à le laisser effectuer le voyage depuis l’Amérique jusqu’à la petite île du Pays de Galles. Jakob découvre un secret temporel aussi extraordinaire que les enfants de l’orphelinat, avec lesquels il va lier amitié.
Et hop, Ransom Riggs nous entraîne dans des aventures d’abord aux allures de cirque ou de foire de la fin du XIXème siècle. Nous croisons la fille qui lévite, celle qui a une bouche de chaque côté de la tête, le garçon avec des abeilles dans le ventre, un autre qui donne vie à des poupées d’argile, la jolie Emma aux mains de feu, etc. Puis l’histoire se fait vite fantastique, reprenant des codes du genre : la momie gardienne du secret, le passage d’un monde à l’autre, la lutte contre les mutants…). Dans un troisième temps, le lecteur va mettre en parallèle toute l’intrigue avec l’arrière-plan historique de l’époque dans laquelle le narrateur Jakob est plongé. Le grand-père a fui la Pologne et le nazisme à la fin des années 1930, tout comme les enfants particuliers se protègent encore à l’orphelinat des monstres sépulcreux (les Allemands) et des estres (les collaborateurs). A ce stade, on se demande quel pouvoir pouvait bien posséder le grand-père pour avoir été admis dans l’établissement, et si Jakob en a hérité. La réponse viendra trop vite, tandis que Jakob effectue coûte que coûte un parcours personnel qui va à la fois réhabiliter la mémoire de son grand-père et donner un tournant inédit à sa vie.
L’écriture serrée et de qualité, descriptive mais pas voyeuriste, s’attarde volontiers sur les mœurs des habitants de la petite île arriérée, finissant de composer une atmosphère fascinante, poisseuse et angoissante. Mêlant intime et grande Histoire, Miss Peregrine et les enfants particuliers est un premier roman singulier aux interprétations fortes, très intelligent. Je l’ai ouvert avec appréhension (je craignais le côté provocateur des photos, me demandant d’ailleurs ce que cela faisait chez Bayard), lu à toute allure et reposé à regret.
Miss Peregrine et les enfants particuliers, le... par Bayard_Editions