Des mots sur des maux

Petit rappel :

La collection Mini-Romans de Sarbacane, lancée à l'automne 2010, s'adresse à des jeunes à partir de 12 ans. Ce sont des textes très courts, des textes "coup de poing". Mini-Romans se veut en quelque sorte le pendant en format bref de la collection Exprim', du même éditeur.

Un ouvrage de la jeune Axl Cendres, déjà auteur chez Exprim' :

Les Maux du cœur

d’Axl Cendres

Sarbacane – collection Mini-romans – janvier 2011

5 euros

Le narrateur vit seul à Paris avec sa mère. Il avait un ami avec qui il faisait les quatre cent coups, mais celui-ci est parti en banlieue. Il a maintenant une petite amie, Ludmilla, qui aime les Kit-Kat et la poésie. Pour elle, notre dyslexique va jusqu’à composer des strophes enivrantes. Mais la belle déménage à son tour.

Le héros n’a pas de nom, mais beaucoup de cœur. Trop, sans doute, pour supporter successivement l’abandon d’un père, l’inquiétude d’une mère, la perte d’un meilleur ami et enfin la trahison d’une copine… Le thème principal est celui de la désillusion amoureuse, considérée comme un apprentissage, un pas vers l’âge adulte (voir la mère en point de comparaison). Autour gravitent des réflexions implicites sur le milieu social, la banlieue versus Paris, la famille, la drogue à l’adolescence… La langue fluide est d’abord parlée, presque relâchée, flirte ensuite avec un petit lyrisme : « J’ai rien répondu en lui tendant [la feuille]. Mon cœur battait aussi vite que s’il voulait rattraper ses propres battements. » (p. 36). Le narrateur est complexe, tout en compromis, un bon garçon au fond : « Mentir à sa mère, c’est pas bien, mais lui faire du mal, c’est encore pire » (p. 1). Ce roman aussi court que fulgurant m’a fait penser à un autre auteur des sentiments, Thomas Gornet (édité à L’Ecole des Loisirs).

Et un autre de la confirmée Agnès de Lestrade :

La narratrice Mara vit seule avec sa mère. Cette couturière venue de Tchécoslovaquie en France est obsédée par la réussite. Elle s’entend mal avec sa fille, très vite rebelle. Au collège, Mara se lie d’amour/amitié avec la gothique Clara. Pour paraître intéressante aux yeux de Clara, Mara est prête à tout. Y compris au plus gros des mensonges qui la dépassera…

« J’ai tué avec seulement trois mots. » (p. 56). C’est implacable. En partant d’une situation typique d’un roman dit pour ados – la fille révoltée face à l’autorité des parents - Agnès de Lestrade compose une nouvelle qui gifle son lecteur. La brièveté du texte, l’écriture économe et la fin rapide donnent encore davantage de force à ce qui est raconté (une histoire de viol). Il n’y a pas beaucoup d’émotions, seulement un enchaînement de faits, de causes et de conséquences : tout se passe comme si l’horreur devenait ordinaire, froide. A lire les dents serrées, à diluer avec le plus long mais tout aussi prenant Sexy de Joyce Carol Oates (Gallimard jeunesse, 2007). 

                          

Les Mots qui tuent

d'Agnès de Lestrade

Sarbacane – collection Mini-romans – janvier 2011

5 euros

Comments

[Fantasia]

Ouiiii ! Je m'en suis rendu compte... hier, et je sais qu'il faut que je corrige :-D ! Désolée, Miss Cendres...

[Aurélie____]

j'ai vraiment envie de les lire ces deux-là et tu ne fais que renforcer cette envie!!
sinon, juste pour l'info... Axl Cendres est une femme!

[Sophie]

Oui, c'est vrai, tu as raison : l'amitié/admiration avec Clara est fortement exprimée. Mara a aussi un ressenti aigu de sa relation avec sa mère.
Je voulais dire que la chaîne d'événements de la fin m'a paru inéluctable, elle est racontée comme s'il n'y avait pas d'espoir et que l'héroïne agissait machinalement. Enfin c'est mon impression de lecture, bien sûr !
Axl Cendres : tu ne regretteras pas ! C'est assez doux, nuancé et riche...

[Bauchette]

J'ai beaucoup aimé le texte d'Agnès de Lestrade mais j'ai trouvé moi qu'il y avait de l'émotion dans ce court texte, dans le rapport que la jeune Mara entretient avec Clara, notamment.
Et tu me donnes très très envie de lire celui d'Axl Cendres.