La Fille du marais - Franny Billingsley
La Fille du marais
De Franny Billingsley
Traduit de l’américain par Nathalie M.-C. Laverroux
Les Grandes Personnes – octobre 2011
19 euros
XIXème siècle, Angleterre. La région du Swampsea attend l’assèchement de son marais et l’arrivée du train à vapeur. Mais Briony Larkin, douée de seconde vue, comprend que le monde des esprits redoute cette modernité. Bientôt, le Seigneur des marécages menace de mort sa sœur jumelle Rose si elle ne parvient pas à arrêter les travaux. Déjà traumatisée parce qu’elle se croit une sorcière, à l’origine du handicap mental de Rose, la jeune fille se met à agir de manière désespérée. Eldric, Londonien fils d’un ingénieur, est le seul à s’intéresser au malaise de Briony.
Quelle drôle d’héroïne et narratrice ! Se croyant mauvaise (le lecteur a plus de doutes), elle passe son temps à ruminer sa situation et battre sa coulpe. Elle s’interdit tout plaisir et suit un quotidien pétri de superstitions. Ironique, négative, elle n’envisage pas une seconde que la seconde vue puisse être une chance. Les proches, père pasteur absent, sœur faible et culpabilisante, villageois obtus ou apeurés, ne l’aident en rien. L’ouverture par l’intermédiaire du jeune et libre Eldric n’est pas non plus évidente, tant Briony sur la défensive nous le présente à la façon d’un naïf écervelé. La situation entre eux deux évolue donc imperceptiblement puis s’accélère à partir du moment où le pasteur fait ses aveux : l’avenir redevient possible.
Et derrière ce beau portrait de jeune femme torturée, Franny Billingsley invente une atmosphère qui n’est pas moins torturée, envoûtante, fantastico-gothique un brin effrayant. Cette ambiance envahit l’histoire, laissant difficilement place à l’innovation du chemin de fer : si les descriptions du marais ne manquent pas, on n’en trouve aucune de locomotive. Parfois, je me suis interrogée à propos de cette lenteur lénifiante et de situations répétitives dans l’ouvrage, qui dispense même ses angoisses à petites doses. Avant de saisir que ce temps ralenti, d’abord propre à une province enclavée de cette époque, était nécessaire à Briony pour dépasser sa culpabilité mal placée.
Romantique et perturbant !
« Quand vous êtes jalouse, et que vous êtes Briony Larkin, âgée de sept ans, et que vous êtes une sorcière, vous appelez le vent. Un vent qui fait gémir et pleurnicher Rose ; un vent qui fait crie Rose qu’elle ne veut plus se balancer ; un vent qui fait lâcher prise à Rose ; un vent qui la fait tomber, et se cogner la tête contre une pierre. Mon histoire deviendrait plus passionnante si je pouvais décrire le craquement sec de son crâne, l’écoulement de son sang sur la pierre, et comment il tapissait l’herbe et séchait dans ses cheveux jaunes. Mais j’ai appris que la vie est à la fois moins palpitante et plus horrible que dans les romans. » (p. 45)