Mon Père - Marie-Florence Ehret
Mon Père
de Marie-Florence Ehret
Oskar – mai 2012
Malgré les encouragements de sa mère Zoé, Simon, seize ans, n'aime pas l'école et ses contraintes. De guerre lasse, en plein milieu d'année scolaire, Zoé laisse partir Simon en moto direction le sud de la France, accompagné de son père Bernard, bourlingueur des routes et de la débrouille. Père et fils se connaissent peu, tant l'inconstant géniteur n'a pas su accompagner Simon au fil des ans, malgré l'amour sincère qu'il lui porte. Le voyage va transformer la vie du jeune homme.
Intégralement raconté par Simon à l'exception d'une unique digression parmi les pensées de Zoé inquiète, le roman est celui d'un descillement. Simon passe de la joie et de la fierté à la réflexion, puis la compréhension distanciée, et enfin la raison apaisée. Ce cheminement se fait très naturellement et sans disputes, au fil des jours et des menus événements. On a parfois l'impression de plonger dans le passé, à la grande époque des hippies et de la vie au grand air, et les rencontres sont savoureuses. Mais nous sommes au XXIème siècle, Simon a laissé une jolie fille derrière lui et il faut bien penser à l'avenir, sans chômage si possible. Bernard, rescapé d'un monde disparu, cachant par ailleurs ses propres faiblesses, n'a plus vraiment sa place aujourd'hui et Simon le regarde parfois tel un parent son enfant – un comble.
D'une certaine façon, Simon va renoncer à la Liberté avec un grand L. Pourtant, c'est un acte volontaire et il ne le regrettera pas. Et puis, l'essentiel réside sans doute dans l'amour additionné du grain de rébellion que le père aura semés dans le cœur de son fils et qui enrichiront toute sa vie. Récit de la route, Mon Père est surtout un beau cri d'amour filial, par-delà les conventions.
« Le temps a un goût d'espace. Oui je sais, ça paraît bizarre mais je sais pas comment le dire. C'est pas du temps qui passe comme ça. C'est du temps qu'on est dedans. Même si je ne vois pas le moindre coin où on pourrait poser la tente, je ne m'inquiète plus. Je sais que je n'oublierai jamais ce truc bizarre que je suis en train de vivre. Vertical. Je suis vertical entre la terre et le ciel. Vivant. » (p. 54)