Tifi en Haïti - Valérie Lacroix
Tifi en Haïti
De Valérie Lacroix
Thierry Magnier – mars 2011
8 euros
Janvier 2010, Haïti. Starling réchappe au gigantesque tremblement de terre qui secoue l’île. Pas sa mère, infirmière avalée par la « montagne tombée par terre » qu’est l’hôpital. D’abord sauvée par le maître d’école Monsieur Neptune, Starling est ensuite prise en charge par un orphelinat tenu par des bonnes sœurs. Une correspondante française, une marraine nommée Lucie, lui écrit régulièrement. Mais Starling ne veut pas d’aide…
Je m’attendais à une douce histoire de ré-apprentissage de la vie, une lente progression vers un mieux constant. Starling apprivoiserait sa marraine, ferait un joli voyage en France, avant, pourquoi pas, d’être adoptée ?
Valérie Lacroix brouille les pistes avec sa narratrice au fort caractère, pas méchante mais bien perdue dans sa jeune vie. Starling ne connaît pas son père, et peine à faire le deuil de sa mère ; de fait, elle craint toute forme d’attachement qui serait forcément prélude à une séparation. Sa relation avec Lucie est conflictuelle, et il faut toute la constance de la marraine pour parvenir à sortir Starling du piège dans lequel elle s’enferme. De surcroît, l’auteur a fait vivre à son héroïne une puberté précoce qui l’interroge, lui fait un peu peur alors qu’elle n’a plus de repère féminin dans son entourage.
Alternant récit à la première personne de la petite fille (« tifi ») – largement entrelardé de prières à « Jésus mon ty fiansé » et de dialogues en créole haïtien – et correspondance entre Lucie et Starling, ce court roman parvient à traiter d’une actualité encore brûlante avec grâce et une sensibilité, qui, pour enfantine qu’elle soit, n’en est pas moins d’une intense sincérité. Mèsi Valérie Lacroix !
« Il paraît que les tremblements de terre, en Haïti, ça existe depuis des millions d’années. Que ce n’est pas le premier, ni le dernier. Alors je me demande pourquoi on a un jour décidé d’habiter ici, à part que c’est beau, et pourquoi on a construit nos maisons juste sur la faille, et aussi pourquoi tout le monde veut venir, Christophe Colomb, et puis les Français, et même les Américains… Souvent, je ne comprends rien. » (p. 9)
« Sœur Louise m’a dit que j’avais du courrier, une dame de France, une marraine. Je m’en fiche, je ne veux pas de marraine, tous ces gens, il paraît, qui veulent nous écrire, nous adopter, nous envoyer des colis de bonbons. Cette pitié du monde entier qui arrive par avion, par bateau, par camions entiers, ou par lettres, ça m’énerve, j’ai pas besoin de la pitié des gens, et encore moins d’une marraine. » (p. 45)