Vous ne tuerez pas le printemps
de Béatrice Nicodème
Gulf Stream – collection courants noirs - 2014
Elle n'a pas vingt ans, mais la foi chevillée au corps : Elaine, sans prévenir sa famille ni son ami Frank, s'engage comme opératrice radio afin d'aider la Résistance en France. Nous sommes en 1943, et le Débarquement n'est encore qu'un projet. Elaine intègre un réseau fragilisé en passe de lancer pourtant une grande opération de sabotage sur les transports ferroviaires autour de Châlons-sur-Marne. Enthousiaste, Elaine n'en est pas moins prudente. Sera-ce suffisant au regard de la surveillance assidue, disons, qu'exerce un gradé des renseignements allemands à son encontre ? Pendant ce temps, Frank cherche désespérément un moyen de faire revenir celle qu'il aime à Londres.
Espionnage, contre-espionnage, tactiques sordides et héroïsme : Béatrice Nicodème nage comme un poisson dans l'eau à travers cette période troublée que nous rend un narrateur externe centré sur Jacqueline (le nom de code d'Elaine). Alternant habilement les lieux – Londres / la France -, l'auteure ménage un suspense sans facilité puisque essayant simplement de rendre compte des difficultés de communication, et peut-être d'une incompréhension fatale entre l'avant et l'arrière (quoique le Blitz n'a pas laissé la capitale anglaise indemne).
Les personnages, exceptée la fougueuse héroïne, sont ambigus comme on le souhaite, avec leurs passés mystérieux et leurs motivations complexes. Derrière le roman façon thriller à rebondissements (ce mot thriller s'applique-t-il à de tels événements...), le lecteur apprécie la véracité des détails à propos de ces hommes et ces femmes prêts à tout : de la façon de coder les messages aux séances élaborées de torture, il ne nous est rien épargné.
L'originalité tient dans le fait qu'il s'agit du S.O.E. (Special Operations Executive) de Churchill et non de la Résistance que nous connaissons : Jean Moulin est ainsi un inconnu au bataillon des Anglais. Cependant, leur implication pour la liberté, dépassant les nationalités, est la même.
Court, le dossier final est aussi très complet, achevant pleinement ce roman vivant et émouvant chargé de nous rappeler que le vivre ensemble est toujours fragile.
« Vous ne tuerez pas le printemps » est le vers final d'un poème écrit par un résistant sur les murs de sa cellule, à Lyon, avant son exécution.