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Les riches heures de Fantasia
19 février 2014

L'homme-qui-dessine - Benoît Séverac

L'homme-qui-dessine

de Benoît Séverac

Syros jeunesse – 2014

coeur mini mini

Mounj est un jeune homme-droit (de Neandertal). En tant qu'homme-qui-dessine, et parce que sa tribu se meure, il est parti il y a trois hivers à travers le monde, à la recherche d'une femme-droite bien portante. Dans une forêt, il est capturé par un clan d'hommes-qui-savent (Sapiens sapiens, c'est-à-dire nous). Ils sont inquiets : un mystérieux tueur armé d'une sagaie s'attaque aux leurs. Malgré le doute des hommes-qui-savent à son sujet, Mounj obtient de pouvoir mener l'enquête contre la promesse de sa libération.

Passionné derrière sa sobriété, L'homme-qui-dessine est un superbe polar préhistorique. Le lecteur rencontre d'abord l'attrait d'un contexte temporel très éloigné, quoiqu'il puisse vite trouver des traits communs évidents avec nos sociétés (le sacré, des rituels autour de la mort, des tabous et une hiérarchie clanique, des familles...). On devine les moments-clés où Benoît Séverac, qui a dû réaliser un solide travail de recherche, s'échappe vers l'interprétation fictionnelle de la science paléontologique.

Et puis, le lecteur se prend vite au jeu de ce mystère sanglant : qui peut vouloir tuer ? Mounj, homme censé être inférieur dans l'évolution, fait alors preuve d'une maturité, d'une subtilité remarquables : l'auteur suit encore en cela la réhabilitation récente de cette branche disparue des Neandertal. En butte à l'hostilité des hommes-qui-savent, pourtant ordinairement pacifiques, il se lie d'amitié avec un garçon lui aussi différent. Le thème est d'importance dans ces communautés solidaires mais exclusives.

Fin, observateur, Mounj compare son peuple et celui qui le tient prisonnier, comprend l'endogamie qui a tué les siens. Certes, ce ne sont que supputations de la part de l'auteur, mais entre naïveté, instinct et capacité de réflexions simples, Mounj s'impose comme un héros parfaitement crédible pour son époque. Enfin, sa fonction d'homme-qui-dessine, loin de rester une pièce rapportée dans l'économie de l'histoire, l'aidera à enquêter au fond des grottes et des secrets de ces hommes-qui-savent.

Le discours indirect libre et l'usage du présent rendent grâce aux ressentis de tous les personnages, et Benoît Séverac a le bon goût de ne pas insister sur des effets de langage balbutiant (le soleil reste « le soleil »), offrant un monde rugueux et jamais stupide. Enfin, La résolution finale n'aura rien à envier à une intrigue contemporaine. Un roman d'une simplicité travaillée, sachant en dire beaucoup sur autrefois (mais alors, vraiment autrefois) pour nous inciter à nous regarder un peu aujourd'hui...

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Commentaires
B
Très touché par cette chronique. Un grand merci pour cette lecture. BS
B
Bluffant ce roman!
F
grâce à toi, sur ma table de chevet ce roman vient de gagner quelques places...
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