Dans le coeur d'Alice - Luc Blanvillain

Dans le cœur d'Alice

de Luc Blanvillain

Hachette jeunesse - 2013

Depuis la mort de sa mère alors qu'elle était toute petite, Alice vit seule avec son père, écrivain à succès, et le voisin Hubert, inoffensif mais mystérieux malade mental. Un soir qu'elle va le récupérer en ville (Hubert a la fâcheuse habitude de se perdre), elle tombe amoureuse d'un étudiant en psychologie, Jonas. Mais il a une petite amie, Julie, qui pourrait bien devenir la meilleure amie d'Alice. Et ne parlons pas de Léopold, lui aussi sous le charme d'Alice. Edouard, que la romantique jeune fille connaît depuis l'enfance, souhaiterait rester à l'écart de tout cela (ou alors il faudrait qu'Alice l'aime d'amour, passons). C'est sans compter les stratégies de l'héroïne, bien décidée à rendre Jonas jaloux et à lancer Léopold dans les bras de Julie. En bon monteur d'intrigues, son père l'avait prévenue : « inextricable »...

Il y a d'abord cet humour pince-sans-rire et toujours en équilibre dans lequel Luc Blanvillain excelle. Ses héros, philosophes qui s'ignorent, le pratiquent à longueur de mésaventures : ruptures de ton, phrases prises au pied de la lettre, situations ubuesques examinées avec détachement, narrateur externe bien sûr. Combiné à une connaissance approfondie des mœurs adolescentes, c'est irrésistible.

Il y a ensuite cette finesse, et l'idée lumineuse du père écrivain – mais tout aussi handicapé socialement que sa fille -. De fait, le roman entier se considère à l'aune de la fiction romanesque avec un grand F. On convoquera Marivaux, Rimbaud (à propos d'Hubert, pas pour les pérégrinations sentimentales de l'héroïne), le phénomène actuel de médiatisation de l'auteur... Mais, in fine, ce sera du grand et de l'unique Alice (« inextricable », on vous a dit).

Il y a enfin une gravité sous-jacente, une sensibilité à l'air du temps qui transparaît par minuscules touches dans les vies des personnages : étudiant qui travaille, prise en charge des malades mentaux adultes, famille recomposée, deuil d'un parent, place de la justice, travail des femmes, etc. Luc Blanvillain observe, s'amuse, mais n'oublie pas. De même, la fin ouverte ne porte pas de jugement, suggère simplement que la vie va continuer, et que nous allons en faire ce que nous pouvons.

Entre bousculade des sentiments et valse sociétale, Dans le cœur d'Alice m'a parfaitement convaincue. A partir de 14 ans.

« La psycho. Léopold savait qu'il ne pourrait pas lutter. Les étudiants en psycho raflent toujours tous les cœurs. Ils n'ont qu'à écouter les filles, avec l'air de comprendre. Ensuite, elles parlent de leur rivalité avec leur sœur et c'est gagné. Il se gratta nerveusement le crâne. » (p. 45)

« Xavier hocha la tête et cliqua. Alice lui avait tout raconté, dès son retour. Il avait pris des notes et réclamé quelques minutes pour esquisser une synthèse. Sa physionomie n'augurait rien de bon. Celle d'Homais était plus confiante. Mais Alice savait très bien que ce que les chats préfèrent, dans les histoires d'amour de leurs propriétaires, c'est le moment où elles sont désespérées et où ils passent des heures à les câliner. » (p. 67) => Au fil du livre, Homais (cf Madame Bovary) deviendra monsieur Poil dans les bras d'une petite fille... Fantasia hésite...

 Luc Blanvillain et les éditions Hachette nous avaient sérieusement gâtées avec cet ouvrage drôlissime... petits gâteaux et petits joujoux, mille mercis !!

Comments

[Dune]

Il a l'air trop bien :)