Engrenages
Auteur : Christophe Léon
Oskar édition – 2012
Chaque samedi soir, Adrien, Colin, Florent et Aymar se retrouvent sur la place d'Armes de leur village. Leur point commun : une situation familiale difficile. Florent ne voit plus sa mère, Aymar a un père alcoolique, Colin est de père inconnu et Adrien est en rupture avec ses parents. Et puis, il y a Rambo. Héros de cinéma, il est l'idole absolue d'Aymar, au point que celui-ci va le substituer à ses parents et le rendre réel. À travers Rambo, Aymar va conduire la petite bande à commettre les pires atrocités : mise à mort d'un chien, tabassages et vols de personnes âgées jusqu'au meurtre de l'une d'elles.
Le roman s'ouvre sur le procès de trois des quatre garçons (Aymar est décédé). Le lecteur n'a pas besoin de chercher le coupable puisqu'il est connu, mais il lui est donné à comprendre la spirale infernale qui entraine les jeunes à ces crimes. Et, accessoirement, de savoir comment ils se font arrêter et quels ont été précisément leurs délits. On découvre qu'Aymar s'est toujours senti accompagné de Rambo qui le guide et le conseille dans la gestion de son commando. Suivant son mentor, Aymar va exécuter des actes condamnables, jusqu'à provoquer sa propre mort. Charismatique et autoritaire, il est parvenu à entrainer ses trois amis dans ses folies.
Le livre est rythmé de courts chapitres, de phrases brèves, sèches et neutres. Vie quotidienne et missions criminelles se succèdent. L'auteur alterne la narration du procès et celle de la vie des accusés durant les faits. Tous ces éléments créent le suspense et même si l'on connait le dénouement dès le début, on ne peut s'empêcher de chercher à comprendre ce qu'il s'est passé. Plutôt que de nous faire deviner quels sont les fautifs et quels sont leurs crimes, l'auteur veut montrer par quel chemin tordu ces adolescents ont pu être entrainés dans un tel cercle vicieux.
Comme dans La vague de Todd Strasser, on retrouve ici la logique de l'obéissance aveugle à un leader charismatique et de l'appartenance à un groupe : ne pas penser à l'acte puisque un autre le fait pour vous, la déshumanisation de la victime qualifiée d'ennemi et non plus de personne. La couverture elle-même rappelle la croix nazie, illustrant ainsi le lien entre ce commando d'ados et le régime hitlérien. Le roman pousse à se questionner sur l'origine du mal, réflexion que l'on retrouve chez Hannah Arendt.
J'ai aimé ce livre malgré un a priori négatif ressenti dans les premières pages. Il s'ouvre en effet sur la description froide d'un procès qui ne suscite ni intérêt ni compassion. Le style neutre qui, au fil des pages, met en valeur un certain détachement vis-à-vis de l'action dramatique, peut surprendre au départ et démotiver le lecteur. De même, l'histoire peut être délicate pour de jeunes lecteurs, car elle est parsemée de scènes violentes, voire traumatisantes. Toutefois, ce roman m'a maintenu dans un suspense constant et s'est révélé passionnant. Au point que, une fois les premières réticences passées, je n'ai plus pu lâcher ce livre.
Maxime Dhotel (Licence pro Métiers de l'édition Paris V)