Rien que nous - Kristin Halbrook
Rien que nous
de Kristin Halbrook
traduit de l'américain par Julie Sibony
Albin Michel – collection Wiz - 2013
Alors alors... Fantasia n'est pas une romantique. Elle aime son petit confort avant les grands sentiments, remarque à peine les matous du quartier, et n'est pas prête à partager son assiette. C'est la détresse de ce petit couple qui l'a émue.
D'un côté, Zoé, traumatisée par la mort de sa mère, brutalisée par un père alcoolique, et qui n'ose pas relever la tête. Will, son amour et sa proposition de fuir à Las Vegas représentent à ses yeux un nouveau départ. De l'autre côté, Will, abandonné par sa mère et habitué des familles d'accueil violentes, des foyers. Il admire ce petit bout de femme qu'est Zoé, si intelligente, si fragile qu'il a envie de la protéger (en guise de rédemption ?). Il n'hésite pas à voler, à se battre pour elle.
Ensemble, ils entament une cavale à l'issue forcément fatale, mais à l'urgence exaltante et à l'éclat mortifère. Ce sont des enfants, ils vont tout oser. Mais leur amour touche lui à la pureté, qu'il soit exprimé avec délicatesse par Zoé ou en une force brute par Will (il faut d'ailleurs quelques pages pour s'accommoder de sa diction). Leurs points de vue s'enchaînent, et, fait notable eu égard au procédé, ne se distinguent pas vraiment : ils restent presque jusqu'au bout sur une même « longueur d'ondes ».
On leur pardonne bien volontiers quelques mignardises pour ne retenir que leurs âmes blessées qui ont cru réinventer le monde. Et dans ce sens, ils feront penser à, pêle-mêle, James Dean, Marilyn Monroe, Bonnie & Clyde, toutes ces figures américaines cabossées qui cherchaient un absolu, et que la société n'a pu comprendre. Un intense et beau roman d'amour, la pourtant pragmatique Fantasia en convient aisément !
« Voilà. C'est ça la vie. On a vécu des trucs avant, des choses terribles, et aussi des choses pas si terribles que ça, mais maintenant notre vie ça va être ça. On va décider, créer, s'amuser, rire et oublier de respirer parce qu'on sera tellement occupés à profiter de la beauté du monde, à profiter l'un de l'autre. » (p. 132-133, Zoé)