Le petit Gus au collège
de Claudine Desmarteau
Albin Michel jeunesse - 2013
Horreur, acné et poil au menton ! Le petit Gus va entrer en sixième. Dans les quelques jours précédant septembre, et après avoir consciencieusement piétiné son sac à dos afin qu'il ait l'air moins neuf, le sympathique narrateur a des « malaises d'angoisse », et des « bouffées de malaise » : il sait qu'il va mettre « le pied dans la merdouille du collège » et n'est « pas sûr que ça va [lui] porter bonheur ». On ne va pas lui donner tort. Entre les profs sadiques (sa grande sœur Delphine l'avait prévenu) et les copains fous – Bitman, le bien nommé, Yanis le nerveux agressif -, Gus n'a presque plus le temps de perfectionner son skate. Les filles ? On verra plus tard, Gus aime encore les câlins de sa maman et ne veut pas jeter ses jouets d'enfance...
Courageusement, notre héros fait donc face, se consolant de ne pas être à la place de son grand frère Romain, qui doit passer son bac avec un poil dans la main de la taille d'un baobab (dixit le père). Bon gré mal gré, l'année se déroule et le petit Gus a l'impression d'avoir grandi... au moins dans sa tête. Aimé et encadré, toujours un peu circonspect quant au monde adulte (voir les hilarants passages avec le père), il file vers la cinquième !
Exquis, parfait, malicieux à souhait et tendre pas plus qu'il ne faut. Gus, observé encore une fois avec une acuité féroce, symbolise très justement le passage cruel de l'enfance à la pré-adolescence. Et il n'est pas pressé, il y va à reculons, ce petit bonhomme qu'on devine bien élevé et solide derrière ses quelques bêtises et/ou revendications. Plus Claudine Desmarteau accumule les poncifs du collège, plus elle les tord et les moque avec un sens de l'à-propos remarquable, plus on rit. Entrelardées des impressions paternelles d'un pessimisme noir, les scénettes truculentes se suivent pour composer l'année d'un élève moyen, dans lequel chacun pourra se reconnaître.
Car Le petit Gus au collège se dégustera surtout après le secondaire, dans un mouvement de recul nostalgique de celui qui a (enfin) dépassé les délicats moments de la puberté. Le héros, lui, se tient au bord sans tout à fait encore nager dedans. Il semble s'amuser nettement moins que nous, mais ne perd rien de sa langue bien pendue, de son savoureux français redondant (« avec l'air genre soupçonneux ») ou déplié (« j'ai pas envie de me risquer la peau »), truffé d'expressions approximatives empruntées à sa famille. Il s'est même trouvé un confident pour toutes ses réflexions pertinentes, en la personne d'un chat noir aux chaussettes blanches – Fantasia s'est tout de suite identifiée, à cause des chaussettes blanches. Dans ses faiblesses et ses élans, le petit Gus, c'est vous, c'est moi, c'est nous, et on n'est pas prêts de le quitter !
A lire et voir aussi : la bande dessinée Retour au collège de Riad Sattouf (Hachette, 2005), qu'il a adaptée au cinéma sous le titre Les beaux gosses (2009).