Effacée
de Teri Terry
traduit de l'anglais par Maïca Sanconie
De la Martinière jeunesse – collection Fiction J - 2013
Kyla a seize ans, elle est anglaise, et doit réapprendre à vivre dans une nouvelle famille. Elle a été « effacée », son cerveau remis à zéro, officiellement en raison de délinquance juvénile. Un bracelet (un « nivo ») doit réguler ses humeurs et la prévenir de toute agressivité. Mais Kyla fait des cauchemars, a des souvenirs horribles qu'elle ne comprend pas. Son corps se rappelle certains apprentissages – conduire, par exemple – et elle peut ressentir de la colère sans que son nivo en soit affecté. Par hasard, elle découvre qu'un avis de recherche à son encontre a été lancé avant son effacement. Alors Kyla va prudemment s'appliquer à poser les bonnes questions, celles qui concernent la place des « Lorders » dans la gestion de la sécurité au sein de la société. Elle va entraîner son ami Ben, un autre effacé beaucoup plus naïf dans ses réflexions, et trouver des alliés inattendus.
Ce pourrait être une dystopie parmi d'autres, dans laquelle le lecteur, qui a compris d'emblée le totalitarisme de la « Coalition », se met au niveau (c'est le cas de le dire) de l'héroïne et narratrice Kyla, à la fois très perspicace et très enfantine à propos de son environnement : elle le découvre, et nous la suivons. Mais Teri Terry soigne l'atmosphère de son premier roman, minimisant les inventions technologiques, offrant des courses dans la forêt, immuable, à Kyla, bref nous faisant sentir comme chez nous pour mieux faire ressortir l'effroi de l'extra-ordinaire. La précision des mauvais rêves de l'héroïne laisse supposer une maîtrise des événements à venir dans le(s) tomes suivant(s) : on apprécie ce gros mystère, et cette construction anticipée.
L'auteure réussit également son personnage principal, d'une grande et curieuse puissance mentale, capable d'émotions mais pas de passions. Kyla réfléchit avant d'agir, et cela change certainement tout le cours, ainsi que l'aspect, strict, du roman. Son histoire d'amour avec Ben ne lui envahit pas l'esprit, et je crois que j'affectionne ces héroïnes un peu froides en apparence, animées au fond d'une intense force de vie. Il n'y a pas trop de rebondissements pour le moment, et c'est tant mieux : le rythme lent envoûte presque. Et on se prend à espérer la suite de cette fiction au fond devenu commun, mais à la forme tranchante qui mérite l'attention.