Rue du Paradis

de Cécile Gayte

Oskar éditeur - 2013

Pierre, baptisé ainsi « parce que les pierres ne s'envolent jamais » habite avec sa maman à la cité des Oiseaux. Il se suffit très bien de sa petite vie avec cette femme joyeuse et indépendante : Pierre ne s'interroge ni sur sa couleur de peau café au lait, ni sur ses origines (elle lui a dit qu'il était « tombé dans un trou de mémoire »). Et puis arrive le déménagement, dans une vieille maison rue du Paradis, autrefois occupée par une personne âgée qui y a laissé tous ses souvenirs. Pierre angoisse, déprime. Sa mère le confie à la voisine, une retraitée du nom de madame Henriette, qui impressionne d'abord le petit garçon avant de l'intriguer... Pourquoi se rend-elle le soir en catimini dans la maison inhabitée d'à côté ?

Resserrée autour de la rue du Paradis, et de Pierre, aussi inquiet que perspicace, l'histoire aborde quantité de sujets de société : la famille monoparentale qui peut devenir étouffante, la différence de couleur de peau (et non l'immigration, puisque la maman de Pierre vient des DOM-TOM),  l'urbanisation dans sa variété, la vieillesse et donc les relations entre les générations... Un des prétextes du roman sera même la maladie d'Alzheimer, avec ce vieux monsieur caché dans sa maison et dans son passé.

J'ai été un peu étonnée : madame Henriette n'est pas la grand-mère rassurante que l'on imagine. Elle taquine, elle malmène, elle rabroue Pierre. Elle ne lui cache rien, mais garde une certaine réserve et invoque souvent son jeune âge. L'esprit rempli de questions, Pierre ne se laisse pas démonter et prend inconsciemment, doucement, une autonomie vis-à-vis de sa mère. Il fait bien, il y gagnera un père et un grand-père. Résumer toute l'intrigue et ses mystères serait les déflorer, mais la façon concentrée et pourtant naturelle dont Cécile Gayte les mène force un certain respect. Les émotions sont là, jamais larmoyantes, jamais arrangeantes : on fait avec et c'est la vie. Un petit roman bien vu, très juste, accessible dès 9/10 ans.

« - Autrefois, quand on partait en voyage, c'était toute une expédition. On prévoyait toujours le casse-croûte... - Un peu comme aujourd'hui. - Tu as raison, un peu comme aujourd'hui... Je t'ai ramené en arrière... peut-être un peu trop loin... - C'est génial les vieux, Henriette ! - Malpoli ! - Excusez-moi... Je ne voulais pas dire ça... Je voulais seulement dire que des vieilles personnes comme vous, je n'en connais pas beaucoup... - J'accepte tes excuses. Les vieux, il faut bien que ça serve à quelque chose... avant qu'ils aient tout oublié... » (p. 189)

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