Nina Volkovitch tome 3 : le combat
de Carole Trebor
Gulf Stream éditions - 2013
Troisième et dernier tome de cette série à l'environnement atypique, celle de l'ère stalinienne post-Seconde Guerre Mondiale. Nous ne voyons jamais le Petit Père des Peuples, mais il est partout, jusqu'à envoyer la mère de l'héroïne Nina au goulag en raison de ses positions culturelles subversives. Ce sera la priorité de la jeune fille d'aller la rechercher au fin fond de la Sibérie, armée du Souffle, le pouvoir magique de sa famille, et accompagnée de deux fidèles alliés. Ensuite, peu importe le résultat de sa quête, Nina devra revenir à Moscou pour récupérer les icônes des Anges et affronter son oncle, âme noire de Staline qui a perverti le Souffle. Les risques sont énormes, l'issue incertaine, mais, auréolée de ses forces neuves, portée par l'espoir de construire un nouveau monastère afin d'accueillir les Anges, Nina est prête à tout.
Après un second tome de temporisation, l'action ne manque pas ici, équilibrée tout du long jusqu'à un final non pas époustouflant, mais ouvert (jolie idée, un tantinet frustrante toutefois). Carole Trebor excelle dans la reconstitution d'une époque troublée, et ses descriptions des camps, des orphelinats staliniens sont particulièrement marquantes. La partie fantastique, maintenant bien comprise par le lecteur (on l'a développée dans le tome deux), coule et s'intègre au récit avec naturel, dans un rappel de l'esprit russe, porté aux extrêmes, fantasque avec beauté, et toujours présent derrière la dictature. Peut-être la relation avec les loups aurait-elle gagné en détails, mais le choix de l'auteur a été de se centrer sur Nina.
A ce sujet, et surtout par le biais d'une narration assumée par Nina elle-même, les considérations sur le développement physique de la jeune fille (à seize ans, elle en paraît dix), son amour jaloux pour Sacha, m'ont paru sinon artificielles, au moins forcées. Nina grandit en même temps que son pouvoir, et aussi selon qu'elle se rapproche de ses objectifs – protéger les icônes, vaincre son oncle, etc. L'idée est intéressante, rendant l'héroïne différente, presque étrange. Mais son exploitation a résonné pour moi de manière un peu maladroite, et au final plus dérangeante qu'autre chose.
Reste une belle série qui nous offre avec sincérité la Russie dans ses nombreuses contradictions : solidarité et autoritarisme, religion et tentative rationaliste... On pourrait continuer à égrener les qualificatifs sans jamais cerner le pays, et c'est exactement ce que fait passer l'auteure à travers un personnage trop humain pour se réduire à l'analyse psychologique.