Au bout du rêve

de Sarah Dessen

traduit de l'anglais par Véronique Minder

Pocket jeunesse - 2013

A l'aube de brillantes études universitaires, Cassandra, la sœur de Catlin, fugue par amour, rendant ses parents si malheureux qu'ils en oublient encore davantage leur cadette. Catlin a toujours vécu dans l'ombre de son aînée, et, afin de conjurer sa propre douleur face à l'absence, elle va essayer de prendre son envol en se différenciant radicalement du souvenir de Cassandra. C'est ainsi qu'elle s'inscrit aux cheerleaders (pom pom girls) de son lycée. Raté : elle n'aime pas ça, et sa mère s'empresse de s'approprier sa nouvelle activité.

Et puis son chemin croise celui de Matthew, beau garçon mal dans sa peau, ténébreux dealer qui cultive des allures d'indifférence. Elle tombe amoureuse, ne travaille plus au lycée pour pouvoir le suivre dans ses virées nocturnes. Elle rencontre les riches parents de son petit ami, et observe avec effroi le père battre Matthew, sans savoir comment aider ce dernier. Enfin, un soir, Matthew va donner une forte gifle à Catlin, simplement arrivée en retard. La jeune fille ne réagit pas, et l'enfer commence.

Sarah Dessen, c'est à la fois toute la fraîcheur et la gravité de l'adolescence placée dans des situations atypiques, souvent dramatiques mais jamais misérabilistes. Dans le contexte de la disparition de sa sœur, la situation rare que connaît Catlin résonne de manière tout à fait crédible – c'est bien ce qui effraie le plus. L'auteure a opté pour une narration en « je » forcément délicate, pourtant réussie car l'héroïne raconte les faits plus qu'elle ne les analyse, en un juste reflet de son apathie, de sa difficulté à trouver sa place, de sa recherche d'elle-même dans les extrêmes.

Catlin ne cherche même pas à donner des excuses à Matthew (un mur dont on ne saura pas grand chose), elle subit, tout comme elle a subi la présence de sa sœur parfaite durant seize ans. Elle va donc devoir apprendre à construire sa propre personnalité – sans dangers cette fois-ci – afin de se défendre de tous les Matthew de ce monde, et le chemin sera long car la fin de son calvaire ne viendra d'abord même pas d'elle. Les descriptions des violences sont assez crues mais jamais insistantes, et l'équilibre pudique correspond bien à l'héroïne : sans aucun effet, l'effet choquant est assuré... Accompagné de personnages secondaires soignés, avec une intrigue très nuancée, l'ensemble sait donc se faire émouvant avec subtilité.

En conclusion, Sarah Dessen souffre vraiment de ses titres praline et de ses couvertures girly : une plume et une sensibilité à ne pas manquer, comme à chacun de ses ouvrages.

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