Desert Angel
de Charlie Price
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Valérie Dayre
Thierry Magnier – 2013
A seize ans, Angel ne connaît de la vie qu'une mère instable, des déménagements incessants, et des beaux-pères plus brutaux les uns que les autres. Le dernier en date, un chasseur et trafiquant nommé Scotty, tue enfin sa mère au beau milieu du désert, près de la frontière mexicaine. Comprenant qu'elle est le dernier témoin, donc gênante, Angel s'enfuit désespérément. Elle croise sur sa route des Latino-Américains, à la fois désireux de l'aider et inquiets de la violence de Scotty ainsi que de la fragile présence de clandestins parmi eux. Angel est finalement récupérée par Rita et sa famille, dans une petite ville pauvre et poussiéreuse. Apeurée, elle pense d'abord à repartir, fuir Scotty. Puis elle aide Rita à faire l'école, apprécie des attentions qu'on n'avait jamais eues pour elle. Elle songe donc à rester même si sa présence met ceux qui la soutiennent en danger. Pendant ce temps, Scotty rôde...
Comme toujours avec Charlie Price, la (solide) langue est sèche, très factuelle : emploi du passé, narrateur externe, phrases courtes qui tendent à claquer. Et ce quoi qu'il soit raconté, de l'amour dans la famille de Rita jusqu'aux essais de pistolet par Angel, et aussi bien les déambulations de Scotty, personnage mystérieux donc inquiétant, racontées de loin en loin. Mais plus qu'une chasse à l'homme angoissante par ses temps d'attente, Desert Angel est le portrait d'une jeune fille presque sauvage, qui se transforme lentement au contact des autres, se sociabilise tout simplement.
Dans un discours indirect libre oppressant, Angel se compare d'abord à un animal paniqué qui doit rester vigilant pour survivre. Parce qu'on ne l'a jamais aimée, elle n'en imagine pas la possibilité. Rencontrer des immigrants miséreux mais unis, puis, à l'école de Rita, des enfants autant cabossés par la vie qu'elle, ouvre une brèche dans son cœur. Elle-même va donc osciller entre se laisser aller dans les bras de Rita au risque de lui faire du mal, et reprendre son indépendance, c'est-à-dire sa méfiance. Les nuances de sa personnalité sont rendues finement à travers les à-coups et les rebondissements de la « chasse » de Scotty.
Il ne faut pas oublier le contexte, magnifiquement planté par l'auteur : le désert, dont la rudesse rappelle le caractère fruste de certains de ses habitants, la frontière – légale mais aussi mentale – entre les Blancs et les Mexicains. Ces derniers ont la part belle dans le roman, hommes et femmes chaleureux du sud qui s'opposent aux Blancs abrutis par la possession d'une arme, ce semblant de pouvoir qui n'égalera jamais celui de l'entraide. Dense sur une intrigue simple, un thriller psychologique et intelligent, particulièrement prenant.