Mes Vies de chien : roman pour les humains
de W. Bruce Cameron
traduit de l'américain par Christophe Rosson
Hachette jeunesse - 2013
Quatre. Le narrateur, héros et chien de ce roman, aura quatre vies au cours desquelles il accumulera sagesse et expérience, ce dont il essaiera à chaque fois de tirer profit afin de donner un « sens », comme il le dit, à sa présence sur terre. Chiot sauvage dans un refuge surpeuplé, il sera d'abord euthanasié à la fourrière pour cause de patte blessée. Redevenu bébé de race dans un élevage, il s'évade, et, par un concours de circonstances, rencontre le maître qu'il aimera toujours, le jeune Ethan. Affectueux et adaptable, il fera tout pour protéger « son garçon », y réussira à de nombreuses reprises, échouera à d'autres.
Sa mort de vieillesse donnera lieu à une renaissance en tant que chienne de sauvetage au flair incomparable. Des missions héroïques lui assureront une retraite paisible chez sa gardienne – si on oublie les trois chats qui lui tournent autour... Enfin, la dernière naissance se fait à nouveau dans un élevage. Le chiot un peu perdu sera mal adopté, maltraité et abandonné, avant de retrouver... vous lirez bien qui, et vous comprendrez alors le fameux « sens » des vies de ce formidable personnage à quatre pattes.
Intelligent donc méfiant, mais aussi doté d'un cœur immense et d'une fidélité à toute épreuve, ce drôle de narrateur s'adopte ins-tan-ta-né-ment. Sa façon à la fois naïve (de notre point de vue) et hypersensible (sa communication non-verbale est très élaborée), ses aventures dans le monde dangereux des hommes rappellent Doglands de Tim Willocks (Syros, 2012). Mes Vies de chien n'en a pas l'écriture travaillée ni le souffle de liberté, mais le côté romanesque est ici particulièrement bien construit. La dernière page tournée, on croit – ou du moins on veut croire –, tout comme Bonhomme (le dernier nom du chien), que les naissances à répétition avaient bien une raison supérieure d'être, et surtout que le lien homme/animal a fonctionné dans les deux sens.
Je suis évidemment un public réceptif à ce genre de considérations, mais, décrites à hauteur d'animal dans un style direct, d'une grande vérité pour qui a l'habitude d'observer son animal de compagnie, la plupart des scènes m'ont vraiment émue. Nul doute que l'auteur ait des chiens lui-même (même s'il oublie d'en parler dans ses longs remerciements finaux...), car, à force d'un regard décalé de simplicité confiante, il a su rendre son héros aussi crédible que touchant. Il se passe dans la tête d'un animal bien plus que ce que l'on imagine, ne serait-ce qu'au vu des miracles opérés effectivement par la brigade cynophile – l'épisode du livre est beau.
Grâce à quelques petits indices, on comprend que l'histoire coule des années 1950/60 à nos jours, et il n'est évidemment pas innocent que cela représente le temps d'un existence humaine... Chaque vie de chien peut tout à fait se lire de manière close, suite d'anecdotes dramatiques et imagées qui maintiennent une attention soutenue. La relation filée à travers le temps et l'espace - entre qui et qui, le secret est là ;-) -, magnifie le tout et lui donne une dimension sentimentale forte.
A lire à partir de 13 ans, ce roman m'a énormément plu, et convaincu de justesse, aussi. Est-ce parce que j'aime les animaux ? Oui. Peut-il plaire à d'autres ? Oui aussi, car l'amour et la loyauté transcendent les espèces et peuvent s'adresser à tout le monde. S'il ne le rappelait lui-même dans sa façon d'être, on oublierait presque que le narrateur est un chien. Un simple chien, n'en déplaise à l'homme omnipotent...
Le site Internet, où l'on découvre que Mes Vies de chien a donné lieu à une série de romans animaliers... pas encore traduits en français !
Quelques extraits traduiront mieux que moi la douceur aimante de notre chien : ICI.
Par contre, la couverture criante ne rend pas vraiment justice à l'atmosphère sensible du roman...