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Les riches heures de Fantasia
26 mars 2013

Norlande - Jérôme Leroy

Norlande

de Jérôme Leroy

Syros – collection Rat Noir – 2013

Clara est à l'hôpital. Depuis des mois. Elle est soignée pour des troubles post-traumatiques : fille de la ministre des Affaires étrangères de ce petit pays prospère qu'est la Norlande, membre actif des jeunesses politiques de tendance gauche, elle a été victime comme tant d'autres d'une tuerie du fait d'un seul homme, un « loup solitaire » dont on comprend vite qu'elle a été... amoureuse. Clara s'en veut et ne parvient pas à surmonter sa culpabilité. Alors elle écrit à son amie française, Emilie, elle-même impliquée politiquement (il y a là un rappel à un précédent ouvrage de l'auteur, La Grande Môme). Et peu à peu, elle va mettre des mots sur « l'événement », comprendre qu'il ne signe pas forcément la fin de son existence, puisqu'elle a eu la chance de s'en sortir. Au contraire, le roman fait ressortir l'envie de vivre que ce drame doit lui donner, et aussi celle de lutter, encore et toujours, contre l'ignorance des extrémismes. En cela, Clara suivra les pas de sa mère, et ceux de son père, inconnu dont il lui est enfin révélé l'identité de leader politique défenseur des libertés, assassiné pour ses idées.

Inspiré librement de la tragédie survenue sur l'île norvégienne d'Utoya en juillet 2011, le roman ne peut pas vraiment jouer de son suspense, ni même du secret de sa narratrice (son amour pour le tueur) assez vite décelable. Non, il joue bien davantage d'une atmosphère, implacable, violente, presque « hurlante » derrière le silence de Clara. Le découpage en chapitres assez courts, l'emploi du présent, les phrases hachées et comme parlées rendent le récit intense et ciblé sur une douleur qui ne demande qu'à fuser.

Et puis, bien sûr, sont suscitées chez le lecteur tout un cortège de questions, de réflexions à portée politique, sociale, philosophique : où s'arrête la liberté d'expression, notamment sur Internet ? Un gouvernement a-t-il un rôle à jouer dans la libre-circulation des personnes à ses frontières ? Qu'est-ce que le sentiment de nation (droit du sol contre droit du sang) ? Etc, etc. Tout en ne faisant que suggérer les interrogations, n'apportant jamais de réponses, le roman est riche, nuancé, intelligent.

On a du mal à s'attacher à Clara en tant que personnage, car elle reste trop lointaine, trop fragile par rapport à une action forte qui prend le devant de la scène, qui phagocyte l'attention du lecteur et le laisse transi. Glacé d'incompréhension, et aussi de crainte face à l'avenir : avec Utoya, on n'a malheureusement sans doute pas encore atteint le « plus jamais ça ». Mais l'humain, c'est aussi l'espoir... puisse la jeunesse d'une Clara le porter. Dès 14/15 ans.

 A noter la belle couverture, et le symbole fort des racines qui saignent...

IMG_7735

« Grand-mère Helena se rappelait aussi le drapeau à croix gammée qui flottait sur les coupoles du palais royal, transformé en siège de la Kommandutur. Ce drapeau, d'ailleurs, ressemblait fâcheusement à celui qu'avaient choisi les Chevaliers de Norlande, ce parti d'extrême-droite dont avait parlé maman. Le même fond rouge, le même cercle blanc, mais à la place de la croix gammée une représentation stylisée d'Yggdrassil, l'arbre qui symbolise le monde dans la mythologie norlandaise. » (pp. 56-57)

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Commentaires
E
J'en sors tout juste : bouleversant mais qui éveille et élève également.
F
j'ai moi aussi été secouée par ce livre fort.
Les riches heures de Fantasia
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