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Les riches heures de Fantasia
26 février 2013

Petite Philosophie du zombie - Maxime Coulombe

Petite Philosophie du zombie

De Maxime Coulombe

PUF – collection la nature humaine – 2012 

Fantasia est toujours contente quand un sujet jugé mineur ou frivole par une élite entre à l’Université. La littérature jeunesse a ainsi conquis ses lettres de noblesse depuis une grosse dizaine d’années, et voilà maintenant que le zombie, le grand copain de notre féline, fait l’objet d’une étude on ne peut plus sérieuse par Maxime Coulombe, sociologue et professeur d’histoire de l’art contemporain ! Evidemment, Fantasia a pressé Sophie de faire une réservation à la bibliothèque, et, pattes au chaud, elle a dévoré ce texte court, limpide, structuré avec une grande clarté. Elle vous en propose ici la substantifique moelle :

On peut considérer que le zombie est né au XVIIIème siècle, en Haïti. C’est alors un humain drogué, transformé en esclave inconscient par un prêtre vaudou. Dans les années 1960, le réalisateur Georges A. Romero signe une évolution du zombie avec Night of the Living Dead (1968) : c’est un mort redevenu vivant, cela sans cause identifiée, et qui va semer terreur et destruction en l’absence d’un maître pour le contrôler. Les capacités de résistance et de transformation de la figure du zombie à travers le temps sont tellement fortes qu’elles appellent à interrogation : il serait un symptôme de notre société à un moment donné.

Le zombie, en tant qu’homme déchu, reflète nos angoisses. Il est presque un double, et diffuse à ce titre une « inquiétante étrangeté » (Freud). Il nous ressemble, mais pas tout à fait, notamment en ce qu’il lui manque la conscience. On pourrait avoir pitié de lui comme du rescapé d’un drame. Oui, mais le travailleur moderne rentrant harassé chez lui le soir n’a-t-il pas quelque chose du zombie ? Ouvrier ou col blanc, il ne pense plus, reste insensible à ce qui se passe autour de lui à force de petits « chocs » mentaux qui l’ont anesthésié. Et puis, le zombie, quand il entre en action, symbolise aussi l’homme à l’état de nature, le monstre qui sommeille en nous tel que Hobbes le suggérait (« l’homme est un loup pour l’homme »).

Nous vivons dans une société du contrôle du corps, de la jeunesse éternelle, et qui tient la mort pour un tabou (Philippe Ariès). Avec le zombie, nos névroses se libèrent, la part animale et fatale de l’homme sous le vernis de la socialisation refait surface. Nous sommes fascinés, dans un mélange de curiosité et de désir. Le cinéma ou la littérature d’horreur ont remplacé le Carnaval des fous en termes de transgression. Et le zombie ferait même rire, dans un grotesque à la Rabelais. Si l’on s’émancipe, si l’on se libère grâce au zombie, reste toutefois qu’il ne fait que détruire et ne propose pas d’avenir ou de monde meilleur.

La civilisation, c’est l’effort permanent contre la désorganisation du monde et des choses. Après le passage du zombie, la ville devient silencieuse, vide : il y a une absence totale de l’humain. Le mort-vivant aurait alors une valeur métaphorique générale, punition de l’immodestie de l’homme face à la Nature. Il manifeste le fantasme de la fin des temps, alimenté aujourd’hui par un discours pessimiste de type écologiste, économique… A la façon de la catharsis d’Aristote, le zombie purifierait nos passions, purgerait le mal par le mal. Il s’apparente au « sublime » tel que Kant l’a exprimé : une chose devant laquelle on est stupéfait, qui nous concerne mais qui nous dépasse, et à laquelle nous pouvons donner un sens. En l’occurrence, ce serait ici notre « pulsion de mort » (Freud), notre envie de maîtrise symbolique de l’environnement brut nous entourant qui se manifesterait.

Finalement, dans une société moderne où nous ne pouvons plus nous raccrocher à de grands schémas d’analyse du monde (les légendes antiques, par exemple), la fiction romanesque, cinématographique, avec la distance que nous lui savons, apporterait des réponses et révèlerait notre époque. Le zombie, nouveau mythe ?

 

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Commentaires
F
J'étais sûre que tu serais contente :-)
S
Chouette les Zombies commencent à envahir les étagères :)
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