Plus jamais sans elle
De Mikaël Ollivier
Seuil jeunesse – 2012
L’année de ses dix-huit ans et le bac obtenu en avance, Alan prend un congé sabbatique. Une idée trotte dans sa tête : retrouver sa mère, qu’il n’a jamais connu, et dont son père, jardinier esthète tranquille mais taiseux, ne lui a jamais parlé. Pour son anniversaire, il aura donc comme cadeau une enveloppe, avec une adresse à Londres. Alan, qui n’a jamais quitté sa campagne brivoise, sonne à la porte d’Ellen. Elle le reconnaît, l’accueille puis le rabroue. Elle doit partir, vite et loin, jusqu’à Prague, pour son travail. Alan s’impose, et un périple à travers l’Europe commence. Les relations entre la mère et le fils, d’embarrassées, passent à légèrement complices, avant d’être bousculées à coups de feu, de sang et de peur. Mais quel est donc le métier de la mère d’Alan ?
Après Le Monde dans la main, Mikaël Ollivier continue à tournoyer autour du thème de la mère, absente, désirée, mais dont le manque n’empêche heureusement pas de se construire. Il s’agit donc toujours d’un registre de l’intime et du douloureux. Seulement voilà, l’atmosphère est complètement différente : nous plongeons à corps perdu dans un thriller haletant, avec des surprises violentes à tous les coins de pages et des inclusions d’émotions filiales fortes.
Perdus dans les pays de l’est, poussés par le danger, Alan et Ellen, dont nous suivons en alternance les voix, vont apprendre à se connaître brutalement, et pour le meilleur. Elle est fière de l’obstination et du courage de celui qu’elle a laissé parce qu’elle savait que ses activités illégales étaient incompatibles avec une vie de famille. Quoique complètement dérouté par les événements sans queue ni tête, il aime la force et l’énergie de celle qu’il a toujours souhaitée dans un coin de son cœur.
Si les scènes d’action ne manquent pas, l’intrigue prévoit aussi des temps d’attente, avec des héros cachés au fin fond des Balkans ou du Grand Nord. Leurs sentiments, toujours pudiques et tâtonnants à la rencontre de l’autre, peuvent alors s’exprimer davantage : le ton est juste, crédible par-delà l’abandon originel. J’ai beaucoup aimé le personnage du père, faussement attentiste, toujours aimant, et le couple qu’il forme avec Ellen est tout simplement magique à travers le temps.
Je n’attendais pas du tout Mikaël Ollivier là où il nous emmène, mais je continue à penser que cet auteur époustouflant trace son sillon original avec beaucoup de soin, testant les genres les uns après les autres, sans doute marqué lui-même par une thématique maternelle (sans faire de psychologie de bazar) mais la ressassant intelligemment. Et puis de toute façon, Plus jamais sans elle est un excellent roman d’aventures musclées, alors, hein !
« J’avais vécu dix-huit ans sans elle. Appris à marcher, à dire papa et pas maman, à faire du vélo, à tomber et me relever. Sans elle, j’avais appris à écrire. Sans elle, j’avais appris à compter. Sans elle, j’avais appris à ne plus redouter le noir. Sans elle, j’avais découvert que les filles peuvent être en même temps douces et cruelles. Et les garçons décevants, moi y compris. J’avais appris la confiance et la trahison. La compromission. Sans elle, petit à petit, j’avais appris à moins attendre de la vie. Et je ne voulais plus, qu’il me reste quelques minutes ou soixante-dix ans à vivre, peut importait. Je ne voulais plus. Vivre sans elle. » (p. 195)