40 Jours de nuit

De Michelle Paver

Traduit de l’américain par Blandine Longre

Hachette – collection Black Moon – 2012 

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Attention, « roman hurlant » : c’est comme cela que j’appelle les fictions qui me cueillent avec un délicieux plaisir frissonnant au ventre dès les premières pages, qui font monter ma tension insensiblement (alors, c’est pour quand ?), qui arrachent mon pauvre petit cœur au milieu du parcours, et qui font que vers la fin, je vérifie que la porte d’entré est bien fermée à clé et qu’il n’y a personne sous le lit. Accessoirement, Fantasia devient un danger potentiel, fantôme blanc dans un recoin de couloir un peu sombre.

Vous ne l’aurez peut-être pas compris, mais j’adore avoir peur quand c’est bien fait, et 40 Jours de nuit s’est montré un modèle du genre que je ne suis pas prête d’oublier. De quoi s’agit-il ?

Londres, 1937. Quelques jeunes hommes fortunés cherchent à monter une expédition en Arctique, afin de procéder, durant une année, à des observations géologiques et climatiques. Il leur manque un télégraphe. Jack Miller, jeune homme sans le sou un peu amer, est prêt à partir afin de redonner un coup de fouet à sa vie. Dès les premiers jours du voyage, il entame un journal intime, que nous lirons donc. Nous assistons à la constitution des réserves et de l’équipement, à l’arrivée des chiens pour le traîneau, au voyage en bateau avec le taciturne capitaine jusqu’au point de chute, la désolée baie de Gruhuken, anciennement arrêt de trappeur et aussi mine désaffectée.

Pour établir leur campement, nos explorateurs sont obligés de démolir une étrange petite cabane, que les chiens évitaient soigneusement. L’attente de l’hiver arctique commence, des routines se mettent en place… Puis Gus, le compagnon préféré de Jack, tombe malade. Jack accepte de rester avec les chiens pour effectuer les relevés journaliers et sauver la mission. Il va passer quarante jours de nuit extrêmes, seul. Seul ?

Bon, je ne vais pas vous dire ce qu’il en est, évidemment, mais la façon dont Michelle Paver introduit les éléments surnaturels est suffisamment subtile pour que l’on ne sache jamais qui, de la superstition, des rumeurs ou du fantastique pur et dur, gagne le match de pure terreur (il n'y a jamais d'horreur, ne confondons pas). Honnêtement, et cela ne m’arrive pas souvent, il a fallu que je m’arrête de temps en temps de lire tellement j’avais… peur, tout simplement. On est réceptif ou pas à ce genre de littérature, je l’admets bien volontiers. Mais pour peu qu’on ait cette sensibilité particulière, le roman à l’écriture fine est extrêmement réussi.

Et puis, Michelle Paver possédant la solidité documentaire que l’on connaît, vous rencontrerez aussi de beaux passages descriptifs sur cet univers cruel et intense à la fois, vous apprendrez deux ou trois choses sur les chiens de traîneaux, vous réviserez vos explorateurs. Le personnage central de Jack permet aussi d’aborder des questions sociales (comment se sortir de la pauvreté dans l’Angleterre de l’entre-deux-guerres ?), des questions psychologiques (quid de l’homosexualité à cette époque ? Elle reste bien cachée…). Complètement et parfaitement glacial !

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