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Les riches heures de Fantasia
27 septembre 2012

La drôle de vie de Bibow Bradley - Axl Cendres

La drôle de vie de Bibow Bradley

De Axl Cendres

Sarbacane – collection X’prim – 2012  

coeur délicat

Robert Bradley naît en 1947 à Franklin Grove, une minuscule ville de l’Illinois. Ses parents tiennent un bar, et le petit Bibow est élevé parmi les grasses plaisanteries des habitués de la bouteille. Le temps passe, l’amour de sa mère se transporte vers sa petite sœur, une peste nommée Marylin. Mais le jeune homme a une mission familiale à perpétuer : le grand-père a perdu un œil en Normandie, son père une jambe en Corée, la guerre de Bibow sera donc celle du Vietnam. Ravi de quitter enfin le trou paumé de son enfance, Bibow subit sans moufter l’entraînement abrutissant et le voyage express jusqu’à la frontière entre Vietnam nord et Vietnam sud. Bizarrement, alors que ses compagnons claquent des dents ou s’urinent dessus, Bibow n’est jamais effrayé de partir en patrouille. Serein, il développe au fin fond de la jungle sa propre réflexion sur le capitalisme et le communisme, ce qui l’emmène tout droit aux arrêts. La CIA s’intéresse alors à cette recrue qui, si elle ne fait visiblement pas de « zèle de courage », possède génétiquement un « déficit de peur » tout à fait pertinent dans des opérations de nettoyage ou d’infiltration.

Génial ! A la façon d’un Forrest Gump, Bibow Bradley traverse l’Histoire sans se rendre franchement compte de ce qui lui arrive, allant jusqu’à peut-être transformer le cours des événements dans un Woodstock explosif… Il s’adresse au lecteur a posteriori, alors qu’il est lui-même devenu un pilier du bar de sa jeunesse. Sur un ton pince-sans-rire, avec un recul qui n’exclut sans doute pas la souffrance d’avoir été utilisé, il parle de sa famille, de ses rencontres (il ne s’agit pas d’amis en ce qui concerne ce solitaire observateur de la nature humaine), des militaires, et surtout de la CIA. La fameuse agence ressort largement écorchée du roman : « La vérité selon moi, c’est que c’étaient juste deux psychopathes qui avaient le pouvoir de faire absolument tout ce qu’ils voulaient. » (p. 181, à propos de Richard Helms et William Colby). L'humour est bien là, glaçant, mais on se prend à se demander si Bibow le pratique volontairement ou pas. En compagnie de notre anti-héros ironique, et après un petit passage absurde en « USSR » arrosé de vodka, nous revivons une période-clé des Etats-Unis, celle où les conservateurs s’agitent pour conserver, justement, le pouvoir, mais qui voit basculer irrésistiblement le pays vers les libertés au sens large, préfigurant notre société moderne. Tout ce que Bibow raconte serait plausible, tout ce que Bibow raconte est dérangeant. Attention, il ne défend toutefois aucun camp : le fait de ressentir moins que les autres le rend critique, et les hippies en prennent aussi pour leur grade (« la ferme était en fait un joyeux rassemblement de jeunes à différents degrés de défonce ; si c’était ça, des activistes anti-guerre, alors la guerre avait de beaux jours devant elle ! », pp. 157-158). On apprécie cette écriture décapante, orale mais travaillée, ce personnage incroyable qui nous invite à réfléchir sur l'homme en général. Un des mes romans préférés de cette fin d’année, et même de l’année tout court.

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Commentaires
F
> Mel : merci du conseil !
F
J'ai souri tout le temps, j'ai passé un excellent moment ! Ca se lit vite, d'ailleurs.
V
Ha, j'adore Forrest Gump!
B
ma libraire m'en a dit beaucoup de bien. je note pour une future lecture. le sujet me tente et si tu le conseilles c'est qu'il doit être vraiment bien.
M
RrrRRRAaaaaH faut que je le lise celui-là !<br /> <br /> Tous les autres je les ai dévoré. GROS coup de cœur pour "Mes idées folles" ! Si vous avez l'occasion et l'envie...
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