Troubles - Claudine Desmarteau

Troubles

de Claudine Desmarteau

Albin Michel jeunesse – collection Wiz – 2012

Il existe des auteurs qui savent capter l'air du temps et de la jeunesse comme personne ; Claudine Desmarteau, éternelle ado, est de ceux-là. Troubles vous accroche dès les premiers mots de la narratrice Camille pour ne plus vous laisser en paix. De quoi s'agit-il ? Camille, donc, est une lycéenne parisienne parmi tant d'autres : passionnée de cinéma, plus ou moins intéressée par les filles, pas franchement par les cours, et meilleure amie d'enfance de Fred.

Fred passe son temps à s'enfumer, comme pour mieux se cacher dans les brouillards de sa sensibilité. Plus raisonnable, Camille lui sauve la mise, puis la vie, à plusieurs reprises. Le temps passe, les anecdotes du lycée ou des soirées arrosées aussi, entrecoupées de réflexions de Camille sur les parents, les SDF de plus en plus nombreux, et bien sûr les films vus. Analysés simplement, toujours marquants sinon signifiants, ces derniers constituent une part importante de la psychologie en devenir de l'héroïne : de Trouble everiday à In the mood for love en passant par Le Mépris, on devine que Camille y trouve à alimenter (ou enchanter ?) son quotidien un peu résigné. Les pensées de l'observatrice jeune fille, les dialogues en phrases courtes qui semblent ne mener à rien sonnent tellement naturels qu'on a presque l'impression que l'auteure les aurait retranscrits d'un enregistrement : c'est... troublant. 

Enfin arrive inéluctablement, au dernier tiers du roman, la sortie en Normandie qui tout de suite a, selon Camille, un goût de « bizarre ». Le lecteur anticipe par exemple une nouvelle aventure avec le fragile Fred. Mais, sans interruption et sans le vouloir, Camille va filmer l'inattendu, l'inacceptable que l'on avait mis de côté tout le long de l'histoire. Je vous laisse évidemment découvrir ce dont il s'agit, j'ai personnellement été surprise. La séquence finit abruptement, très vite la vie reprend, bouleversée en profondeur plus qu'en surface. A la façon de « petits démons », le trouble et le bizarre traînent toujours, composants irréductibles de l'existence...

Troubles sera sûrement un de mes coups de cœur de la rentrée, un roman qui sait jouer de son effet choc tout en accordant une grande place, intelligente, à l'adolescence d'aujourd'hui.

« Il n'y a rien que j'aime plus que d'être dans une salle de cinéma, dans le noir, à l'abri du monde. J'ai le sentiment que là, il ne peut rien m'arriver. Que je vais me nourrir par les yeux. Oublier le moche. Apprendre sans juger, sans rien risquer. » (p. 169)

Comments

[bouma]

quelle claque ! ce sera surement un de mes coups de cœur aussi !

[bouma]

il m'enchante déjà...

[Liyah]

Oh ben je crois que je vais le sortir de ma PAL alors ;-)

[Fantasia]

C'est un roman sur l'identité (sexuelle) aussi, tu as raison... pour le coup, sans avoir suffisamment creusé, je pense que les films peuvent éclairer (un peu) ! Je crois que j'ai envie de relire ces passages.

[Bauchette]

Quelle chute surprenante oui! Qui donne je trouve toute sa dimension au roman. Et puis il y a des non-dits subtils aussi tu ne trouves pas (autour des attirances de Camille)?