Le Huitième Continent

de Florian Ferrier

Plon – juin 2012

Hallucinant. A la fois roman d'aventures qui flirte avec l'irrationnel, robinsonnade moderne et violente, alerte rouge à la société de consommation, Le Huitième Continent ne laisse pas un instant de répit moral au lecteur. Christo et sa grande sœur Roxane partent en vacances sur un voilier au large du Pacifique, avec leurs parents et un skipper. Le voyage tourne mal, les parents disparaissent par-dessus bord, le bateau coule. Les trois naufragés dérivent vers un vortex, et un immense conglomérat de déchets en tous genres, amassés depuis des années. Perdus sur leur petit canot de sauvetage, sans eau ni nourriture, ils ne doivent leur survie que par l'intervention d'un vieil Allemand fou et son rafiot délabré. L'homme leur montre quelques dangers du vortex : requins affamés rôdant sous les plaques de plastique(s), mines de la Seconde Guerre Mondiale qui dérivent, et... pirates aux mœurs de charognards. Malgré tout, Roxane et Christo vont tenter de s'échapper, à leurs risques et périls.

C'est un monde fou de polyéthylène qui se déploie sous l'objectif de la caméra que Christo traîne partout avec lui. En des descriptions courtes, mais marquantes, Florian Ferrier en rend compte avec la minutie de celui qui aurait vu. Et pour cause, ce « huitième continent » existe. Les habitants que l'auteur lui prête n'ont rien d'improbable, eu égard à la surprenante nature humaine : vieux cinglé attiré par l'argent, pirates et leurs prisonniers humains, village sous-marin de guérilleros de la cause animale... Un narrateur externe suit le plus souvent Christo. Le personnage est pourtant fort désagréable au début, enfant gâté toujours en train de se plaindre. Très lentement, et sans qu'il devienne sympathique, il va évoluer vers une maturité de l'urgence. Lui et sa sœur se responsabilisent dans le sens de la débrouillardise, et sans doute aussi dans celui de la prise de conscience. Mais la psychologie se fait discrète, et l'action d'autant plus brutale : il y a de la pollution la plus infecte, des morts naturelles ou pas, de l'angoisse pure surtout. La fin ouverte prend parfaitement le soin d'entretenir le doute... Vous n'oublierez pas de sitôt ce roman alarmiste et culpabilisant, parfaitement horrifiant.

 

2012-07-14 19

 « Ils n'étaient rien d'autre qu'une poignée de fantômes agonisant sur un désert de polystyrène. » (p. 92)

[le carton (recyclable) de la photo est la panière préférée de Fantasia...]