Rencontre avec Eve Tharlet

7 janvier 2012

Eve Tharlet est née en Alsace, à Mulhouse, un 5 juillet 1956. Mais c'est en Allemagne qu'elle a grandi, et dans les livres d'images qu'elle a appris "rêver"... Après le bac, elle prend des cours de gravure et de sérigraphie à Berlin, puis poursuit ses études à l'École des Arts Déco de Strasbourg. Pendant dix ans, elle collabore à la revue suisse Yakari, puis travaille huit ans chez Milan-Presse. Dans le même temps, elle met en image des contes classiques d'Andersen, des frères Grimm, de la Comtesse de Ségur... ses propres histoires, ou celles d'auteurs contemporains. En une vingtaine d'années, elle a illustré plus une centaine de textes, la plupart traduits en plusieurs langues.

Le monde de l'enfance, celui où l'on ne sait pas encore lire ou pas encore bien lire, la passionne. C'est dans cet univers-là que l'image doit « raconter » le plus, sans support texte parfois, mais par le dessin et la couleur. À ses débuts, sa curiosité l'amène à se lancer dans tous les genres : mini-livres (taille carte à jouer), calendriers, conception de jeux, recettes de cuisines, posters, transferts, imagiers, abécédaires...  Avec ce premier « matériel », elle arpente les salons jeunesse internationaux et trouve ainsi ses premiers éditeurs de livres et de presse. En vingt ans de carrière, elle a eu le temps de trouver son style et de créer un univers poétique très personnel, fait de douceur et de tendresse.

Sur quels éléments repose votre passion pour l’illustration et l’écriture pour la jeunesse ?

J'ai toujours eu, au fond de moi, une passion pour l'illustration et le dessin. Mais par-dessus tout, l'envie de « raconter » dans l'univers de la petite enfance. L'illustration se révéla être plus appropriée pour moi.

Quelles techniques artistiques et graphiques utilisez-vous pour réaliser les illustrations d’un album ?

Je travaille sur une double page ouverte, donc un grand format. Je dispose de douze planches pour mettre un texte en images. Il me faut faire un tri sévère dans ce qui me vient en tête à la lecture, pour ne garder que douze idées d'illustration. Par contre, la réalisation offre un éventail immense de possibilités : vision très zen ou, au contraire, bourrée de détails ; une mise en scène théâtrale ou plus cinématographique ; une mise en scène traitée à la façon d'un peintre… Quant aux techniques de mise en couleur, pas de limites ! En illustration, on peut tout tenter : photos, volume, huile, craie, papier biscornu, aquarelle, encre, collage, gravure, plâtre, etc.

Avez-vous rencontré des difficultés pour mettre en scène Monsieur Blaireau & Madame Renarde qui est une bande dessinée ? Est-ce un exercice très différent à aborder que le dessin d’illustration d’album que vous pratiquiez précédemment ?

J’ai touché à peu près à tout ce qui pouvait se mettre en images pour des enfants mais je n’avais jamais abordé la BD. Et ça n’a rien à voir. Il ne s’agit pas du tout des mêmes démarches. Dans mes albums de Fenouil, par exemple, j’ai l’habitude de dessiner une scène en particulier, choisie au milieu de plein d’autres, alors qu’en BD, je peux justement me permettre de dessiner toutes les images qui me viennent à l’esprit. C’est tout une façon de penser à revoir. En BD, ce sont, non plus une illustration par planche, mais plein de cases par page, et ça change tout ! Plus de tri sélectif possible quand je lis... le scénario se déroule comme un film.

La plupart de vos livres mettent en scène des animaux. Sont-ils, selon vous, les interlocuteurs privilégiés des enfants ?

J’ai remarqué qu’il était plus facile pour un petit garçon ou pour une petite fille de s’identifier à un animal, même lorsqu’il n’est pas du même sexe que soi. Les garçons ont beaucoup de mal à s’intéresser à des personnages humains de filles alors que cela leur pose moins de problème si celui-ci est un petit animal. Les filles sont moins sectaires dans ce domaine. Voilà pourquoi je crois que l’univers animalier est plus universel.

En tant qu’auteur, quels thèmes privilégiez-vous dans vos livres ?

J’aime parler de choses qui me tiennent à cœur. La famille et le quotidien d’un enfant sont des sujets importants. A travers les illustrations et de l’histoire, l’enfant peut se reconnaître dans les personnages et ainsi trouver des solutions à ses problèmes.. Mais le plus important est que l’enfant puisse rêver…

Selon vous, les aventures de Fenouil incarnent-elles le quotidien d’un petit garçon ou d’une petite fille ?

Fenouil aurait pu être un petit garçon.. Il traverse les mêmes évènements qui marquent la vie d’un enfant : l’arrivée d’un petit frère, les disputes entre amis,…A travers ce personnage, l’enfant peut s’identifier à lui pour mieux comprendre les changements et les étapes de sa vie. Les aventures de Fenouil reflètent le quotidien des plus petits tout en leur laissant la possibilité de rêver et de laisser courir leur imagination…

Quelles sont les activités que vous mettez en place avec les enfants lors des rencontres dans les écoles ou d’autres lieux ?

Echanger avec les enfants est très important. Ce sont eux qui inspirent mes histoires et mes dessins ! C’est pourquoi, j’essaie de mettre en place des ateliers d’écriture. L’illustration est aussi un moyen important de laisser parler son imagination : ainsi, sur un problème ou un sujet donné, les enfants peuvent dessiner ce qu’ils ressentent…Le plus important est de pouvoir parler avec les enfants. Par exemple, quand j’ai dessiné les planches de Monsieur Blaireau et Madame Renarde, je me suis rendue dans une classe de CP. Quand j’ai commencé à lire l’histoire, les enfants n’avaient qu’une envie : échanger et se confier !

Bibliographie sélective