Vango tome 2 : Un Prince sans royaume
De Timothée de Fombelle
Gallimard jeunesse – novembre 2011
17 euros
J’avais été séduite par le premier tome de Vango. Mais sans hurler au miracle. Et voilà que le deuxième tome m’a définitivement convaincue !
D’abord, il est davantage resserré. Forcément, il ne s’agit plus d’exposition (heureux petit résumé du premier livre en préface), nous connaissons les personnages et leurs attentes, et peu de nouvelles têtes se rajoutent. Nous naviguons encore de par le monde : îles siciliennes bien sûr, Paris, New-York, Ecosse… seulement pour continuer à développer des intrigues, pas pour en initier d’autres.
Ensuite, et c’est encore normal, Un Prince sans royaume apporte des réponses. Il fallait bien résoudre le mystère Vango ! Timothée de Fombelle adopte la clarté totale. Mais il réalise un coup de maître en donnant la clé ultime au beau milieu du texte, l’air de rien : on reste estomaqués ! Cette véritable petite bombe qui explique bien des digressions apparemment gratuites, et qui m’avaient parfois un peu agacée. Là, j’admets, c’est du grand art. Arrivent aussi quelques explications à propos des nombreux personnages secondaires, tous soignés et attachants. Une de mes scènes préférées se situe à la fin, avec Mademoiselle et le restaurant La Belle Etoile.
Enfin, le roman s’approprie encore mieux l’Histoire. Démarrant en 1936 et finissant en 1943, il a le loisir d’égratigner le nazisme en valorisant la Résistance. Nous sommes dans du quotidien connu, du solide qui fonctionne toujours et assure donc l’action, permettant alors aux manœuvres obscures ainsi qu’aux émotions des protagonistes de s’épanouir en parallèle.
Le paradoxe de Vango est qu’il mobilise avec réussite le lecteur autour d’un personnage principal que l’on ne voit pas souvent, dont on ne pénètre jamais les pensées, et aussi dont nous n’avons aucune indication physique sinon l’âge. Même son amour pour Ethel ne se sait que grâce à la jeune femme.
Pour cette série à entrées multiples, on imagine bien Timothée de Fombelle avoir conçu des tableaux, des plans ramifiés lui permettant de se repérer parmi les petites intrigues, qui toutes, à un moment ou à un autre, se rassemblent autour de l’unique histoire de Vango, héros malgré lui. Alors, bravo, mais il fallait que je lise les deux tomes !
Exemple de petite description qui donne toute sa saveur à l’arrière-plan du roman. Une écriture toujours maîtrisée, pourtant chaleureuse : « Pour toutes ses petites sœurs, la mère Elisabeth, avec ses cent kilos sous un voile immaculé, était ce que l’abbaye avait connu de plus terrifiant depuis les invasions de l’île par les Vikings au IXème siècle après Jésus-Christ. Jamais aucun évêque n’avait osé la mettre à la retraite. Elle régnait sur la Blanche depuis quarante ans. Et même les soldats allemands qui avaient établi leur quartier général au château, à quelques kilomètres de là, ne se hasardaient pas derrière les hauts murs de l’abbaye. Ils avaient piétiné les trois quarts de l’Europe mais retiraient leurs bottes sur le paillasson quand ils venaient timidement à la Blanche acheter un petit pot de miel ou des radis. » (p. 318)