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Les riches heures de Fantasia
26 octobre 2011

Tous différents ? #3 - La Couleur des sentiments de Kathryn Stockett

La Couleur des sentiments

De Kathryn Stockett

Traduit de l’américain par Pierre Girard

Jacqueline Chambon – septembre 2010

23,80 euros 

 

Le mot de l’éditeur :

Jackson, Mississippi, 1962.
Lorsqu’elle rentre chez elle, Aibileen, seule dans sa bicoque du quartier noir de Jackson, dîne modestement, écrit ses prières dans un carnet, pense à son fils disparu et écoute du gospel, du blues ou le sermon du Pasteur à la radio. Nurse et bonne au service de familles blanches depuis quarante ans, Aibileen n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Elle vit pour “ses enfants” – les petits Blancs dont elle s’occupe jusqu’à l’âge où ils changent –, les aime tendrement et met un point d’honneur à leur transmettre l’estime de soi, luttant comme elle le peut contre les idées racistes que leurs parents leur enfonceront bientôt dans le crâne. Aibileen est une âme généreuse, dotée d’une grande sagesse et d’une bonhomie attendrissante. Elle a la vitalité, la douceur et la rondeur d’Ella Fitzgerald.
Dans les pires moments, elle peut compter sur sa meilleure amie, Minny, bonne et cuisinière chez les Blancs depuis son plus jeune âge elle aussi, une forte tête qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Entre un mari alcoolique à la main lourde et cinq enfants à éduquer, son quotidien s’apparente à une lutte de survie. Ainsi dissimule-t-elle sa sensibilité sous les traits d’une maîtresse-femme à la langue bien pendue, ce qui lui a valu d’être maintes fois renvoyée. D’ailleurs, sa nouvelle patronne, pin-up désœuvrée au comportement étrange, lui donne déjà du fil à retordre.
C’est alors qu’arrive Skeeter Phelan. Vingt-deux ans et fraîchement diplômée, elle est de retour à Jackson où elle retrouve ses anciennes amies. Contrairement à elles, Skeeter n’a pas encore la bague au doigt, attache peu d’importance à ses tenues et sa coiffure, possède un esprit plus ouvert que la moyenne et souhaite plus que tout devenir écrivain. Lorsqu’on lui confie la rubrique ménagère du journal local, elle demande à Aibileen de lui donner des tuyaux. Elle apprend à la connaître et comprend bientôt qu’elle tient son sujet : il y a peu, une certaine Rosa Parks a refusé de céder sa place à un Blanc dans un bus ; un certain Martin Luther King se rend de ville en ville pour défendre la cause des droits civiques ; elle, Skeeter Phelan, va donner la parole aux bonnes de Jackson, leur demander de raconter ce que c’est qu’être une bonne noire au service d’une famille blanche du Mississippi, recueillir leurs témoignages et en faire un livre. Elle y tient d’autant plus que Constantine, la bonne qui l’a élevée et qu’elle aime profondément, a été congédiée par ses parents pour des raisons obscures.
Ce projet fou auquel se rallient Aibileen et Minny va les mettre en danger et changer à jamais le cours de leur vie.

Fantasia ne fera pas aux internautes l’injure d’une critique en bonne et due forme de ce roman phénomène, qui enchante les lecteurs depuis déjà un an. Cherchons plutôt les causes de son succès :

- Une époque mythique, le tout début des années 1960 : prospérité et consommation parviennent encore à supplanter le massacre vietnamien et l’assassinat de Kennedy, jupes bouffantes et prémices du rock’n’roll se mêlent harmonieusement,

- Une écriture à trois voix, avec des tons très variés et une vision complète : le monde blanc et le monde noir sont représentés, et on évite habilement la lassitude sur plus de 500 pages,

- Une thématique universelle de la tolérance qui ne manque pas de continuer à retentir de nos jours : le combat contre le racisme est loin d’être terminé,

- Des destins de femmes pleins d’émotions voire dramatiques, qui pour le coup transcendent la couleur de peau. Elles aiment, souffrent, se battent, souvent pour leurs enfants. Skeeter incarne à point nommé la femme du futur, indépendante, libérée de la tutelle maritale,

- De la nuance, avec des situations où, sur un terrain inique, chacun finit par trouver son compte et même par éprouver une certaine douceur de vivre (voir par exemple la relation entre Miss Lou Anne et sa bonne Louvenia),

- La caution « autobiographique », Kathryn Stockett ayant elle-même été élevée dans le Mississippi par une employée noire.

Evidemment, Fantasia doit oublier deux-trois ingrédients magiques, mais déjà, on comprend que la recette promettait le succès. En temps de crise, se raccrocher à des combats passés – et que l’on sait avoir aboutis – est extrêmement rassurant. D’ailleurs, la petite féline a littéralement dévoré le roman et passé un merveilleux moment de lecture.

IMG_6188

 

Elle ira très vite voir le film, dont la bande-annonce laisse présager une intrigue plus univoque, appuyée que le livre assez subtil :

 

 

Et aussi, elle relira avec attention l’ouvrage suivant :

La Place des bonnes : la domesticité féminine à Paris en 1900 

D’Anne Martin-Fugier 

Perrin – collection Tempus – 2004 

9,50 euros

 9782262021047

Le mot de l’éditeur : 

Elles balaient, font la cuisine, montent les seaux de charbon, vident les cuvettes et frottent l'argenterie, du matin jusqu'au soir. Elles n'ont point de vie à elles. Car ce sont les bonnes. Mais d'elles, on exige plus encore que l'accomplissement des tâches ménagères. Il faut qu'elles soient le dévouement incarné. Car elles sont les servantes. Et si ce livre s'emploie, en détaillant leurs conditions de travail et d'existence, en décrivant les mentalités dans lesquelles elles étouffent, à dire quelle place est assignée aux bonnes par la moralité bourgeoise à la Belle Epoque, c'est dans le but d'exorciser le fantôme de la servante, qui hante encore la plupart des femmes d'aujourd'hui, lorsqu'elles rentrent à la maison. 

Travail d’une historienne à partir d’une multitude d’archives, l’ouvrage se structure à la façon d’une dissertation. Evidemment, le thème de la ségrégation raciale n'apparaît pas. Qu’importe, les points communs avec des situations décrites dans La Couleur des sentiments sont trop nombreux pour ne pas donner envie d’établir un parallèle. Tiens, Fantasia se referait bien une petite soirée avec un de ses films préférés, Les Vestiges du jour de James Ivory...

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