Marre de l'amour - Maud Lethielleux
Marre de l’amour
De Maud Lethielleux
Thierry Magnier – mai 2011
8 euros
Des parents amoureux, c’est dégoulinant de bonheur sirupeux et Pierrot n’en peut plus. Il ne rêve que de divorces, de cadeaux en double et de liberté ( de sortie, alimentaire…). Non pas que ses géniteurs, chômeurs un peu bohèmes, soient trop sévères avec lui, mais le petit narrateur ne se sent pas comme les autres élèves de sa classe. Ses amis Lou, Tom et Dorothy, tous enfants de couples séparés voire de familles recomposées, vont essayer de l’aider. Voyant que Pierrot échoue tout seul à « créer un fossé » entre son père et sa mère, ils mettent au point un plan un peu tarabiscoté. Entre temps, la maman de Pierrot retrouve du travail.
Ce petit roman est à la fois hilarant dans son propos à rebours et criant de vérité sur la société actuelle : raconté par un enfant (l’écriture est très orale), le résultat est troublant. La simplicité de Pierrot touche immédiatement nos coeurs, en contraste avec l’expérience un peu manipulatrice des autres personnages. Soyons rassurés, dans les dernières pages, Maud Lethielleux réhabilitera l’innocence de la prime jeunesse, capable de pleurer et d’aimer. Mais quand même, le divorce n’est pas présenté sous son meilleur jour : solitude de l’enfant unique, prise à partie dans des querelles stériles, mensonges qui pourraient devenir dangereux, etc. Lou seule semble s’en tirer un peu mieux avec son rocker de père, et encore.
Pierrot hésitera d’ailleurs à plusieurs reprises à abandonner son projet, au fur et à mesure qu’il découvre la vie quotidienne de ses amis. Mais de toute façon, et avec brio, l’intrigue du côté adultes n’a pas besoin du petit héros pour se dérouler dans toutes sa splendeur cynique, cousue de fil blanc pour le lecteur attentif. Et alors qu’elle nuance l’idée de divorce, l’auteure se révèle beaucoup moins indulgente en ce qui concerne le monde du travail en entreprise… Chut, n’en disons pas plus sur cette histoire fraîche, sautillante, impertinente ! A lire pour sourire et réfléchir, et ce à plusieurs niveaux.
« - T’es triste ? – Non, mais je comprends rien de ce que vous racontez. Ca m’énerve. – C’est normal, nous les enfants de divorcés on est plus matures, on grandit plus vite à force d’entendre nos parents s’engueuler et puis on apprend à s’adapter, on déménage, tout ça. T’inquiète pas, tu vas grandir d’un coup toi aussi ! » (p. 100)