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Les riches heures de Fantasia
27 mai 2011

Un Chien dans le ventre

 Un Chien dans le ventre

De Hilde Hagerup

Traduit du norvégien par Loup-Maëlle Besançon

Les Grandes Personnes – avril 2011

14 euros

 

La mère de Jonas Nilsen est en prison depuis des années, pour avoir tué quelqu’un en conduisant ivre. Elle sort dans un mois, et Jonas angoisse. Au fil du temps, il a « enjolivé », selon ses propres mots, sa situation. Il s’est dit bon élève, petit ami de la jolie Bobby. La vérité est tout autre : élevé par un père taciturne, Jonas fait figure d’excentrique, d’inadapté et même d’obsédé sexuel au lycée. Que va-t-il se passer ? Jonas aimerait quitter son père et partir en Amérique avec sa mère.

J’abordais le roman sans attentes particulières, eh ben, j’ai pas été déçue ! Une noirceur maladive, une crudité poignante se dégage de ce récit abrupt. Un narrateur externe suit Jonas sans trop rentrer dans ses affects ; ce faisant, le lecteur est frappé, sonné par les actions violentes du héros qu’il n’anticipe pas, et il peine à se forger sa version de cette sordide histoire familiale. Qui est Jonas, alors ? Un adolescent très très mal dans sa peau, à tout le moins. Il n’a pas digéré son enfance solitaire et sans amour, ne sait donc pas où sont les limites du raisonnable, et est prêt à mordre (au sens littéral…) tout le monde, comme la chienne alcoolique de l’ami de son père.

Autour de lui, aucun adulte ne s’avère compétent pour l’aider : éducateurs lointains et/ou fatigués, famille pas très évoluée… Les différents personnages portent des boulets de mal-être plus gros qu’eux, une désespérance totale saisissante. Ce ne sont pas non plus ses camarades de classe qui feront l’effort de comprendre cet anti-héros. Au contraire, Jonas est considéré comme ridicule par les jeunes de son âge, sans qu’il semble en souffrir, d’ailleurs. Tout se passe comme s’il recherchait le mépris, en une façon inconsciente de porter la faute de sa mère, de ne pas dépasser celle qu’il idéalise. La fin nuancée n’apporte pas vraiment d’espoir, elle agit davantage comme un début de psychanalyse. On devine le long chemin que Jonas effectuera pour se mettre à peu près d’aplomb…

A consonance sociale, Un Chien dans le ventre est un roman hyper-réaliste, et résolument pessimiste (ou presque). Au demeurant, son écriture est impeccable, d’une sècheresse fort à propos. A réserver à des lecteurs jeunes adultes.

 

chien_ventre


Un Chien dans le ventre a reçu le Prix 2007 du meilleur roman décerné par le Ministère de la Culture norvégien.

 

« Et là, Jonas se laissa tomber en arrière, vers son cartable, vers le sol. Peu lui importait de se cogner le dos, la tête. De se faire mal, de se rompre le cou. Il ne sentirait rien de toute façon. Il ne sentirait rien, car ses jambes étaient déjà engourdies, ses bras aussi, sa peau était devenue insensible. Il était le pervers de la classe, il était le garçon qui enjolivait pour faire plaisir à sa mère, pour embellir les choses à ses propres yeux, pour que cela devienne vivable. Mais rien n’était beau. Tout était moche. Krattbo, la salle de classe, ce qui sortait de la bouche de Jonas Nilsen. Tout. » (p. 100)

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