Jenny va mal. Mais elle a tout pour aller bien. Enfin elle ne sait plus. Parfois, souvent, son comportement la dépasse et elle devient irréfléchie, violente, dangereuse. Ses parents, brillants professeurs, sont sur le point de divorcer mais vont se serrer les coudes et accompagner leur fille chez un psychologue.
Introvertie, très intelligente, la narratrice Jenny noie le lecteur sous la loghorrée de ses pensées, moments présents, digressions fantaisistes ou souvenirs heureux. Il faut l'entendre réinventer la vie d'Hermann Rorschach : un peintre raté qui aurait transposé ce métier rêvé dans son fameux test... !
J'ai été un peu étourdie par les longues phrases, les parenthèses rajoutant des informations, un découpage en chapitres qui n'aère pas vraiment les paragraphes. Je dirais que j'ai même frôlé régulièrement l'overdose... Mais finalement, ce rythme correspond parfaitement au mal-être de la jeune fille ; elle s'enivre de ces mots qu'elle aime tant, jusqu'à se perdre dans leur artificialité. Evidemment, elle cherche ainsi à cacher ce qui l'angoisse inconsciemment, c'est-à-dire le divorce de ses parents, et surtout les secrets du père, Polytechnicien passionné d'aéronautique. Vers la fin du roman, alors qu'il n'a jamais dit que quelques mots à travers le récit de Jenny, c'est lui qui déverse son passé frustré et ses aspirations actuelles au psychologue : il permet par là à Jenny de se libérer. Enfin au courant de ce qu'on lui taisait, prête à faire le deuil du couple de ses parents, on imagine pour elle un brillant avenir... de rédactrice d'articles pour le dictionnaire de l'Académie Française, comme elle le souhaite !
Un roman un peu trop copieux mais juste, un coup d'essai dans les sentiments adolescents par un auteur que j'apprécie pour ses romans d'habitude historico-policiers (histoire militaire) ou fantastiques.
La Reine des Mots
D'Armand Cabasson
Flammarion – collection Tribal – mars 2011
11 euros
What a beautiful coverbook !
« Ma mère me surnomme "la Reine des mots". Malheureusement, les mots c'est comme les allumettes, quand on joue trop avec, on se brûle les doigts. » (p. 35)
« Cet Earl Grey sera ma madeleine de Proust, son goût ressuscitera la mémoire des jours heureux d'autrefois. Infuse plus vite ! Enfin il est prêt ! Je m'en verse une énorme tasse et je le goûte, avide et ravie. Pas grand-chose... De l'eau chaude avec un arrière-goût indéterminé... Mon Earl Grey a un goût d'Earl Regret. Peut-être que ma vie est déjà périmée... » (p. 107)
« Je songe : "Avoir une fille comme moi, c'est une véritable pub pour l'avortement." Mais, au lieu de sourire intérieurement, je me brûle avec mon propre humour caustique. » (p. 320)