Dans l’Amérique sudiste de la fin du XIXème siècle, un groupe d’esclaves travaille sur une plantation de coton. Rien de plus classique, si ce n’est que le maître cultive aussi des choux blancs dans son potager. Et qu’un chou c’est rond. Tommy, un des plus jeunes esclaves, s’amuse à faire rouler un légume avec son pied, donnant alors au maître l’idée d’organiser un jeu de balle, et des paris autour : le « chouball » est né… Basé sur le collectif, il va faire réfléchir nos malheureux joueurs.

 

Autour d’événements historiques graves, et sous une narration factuelle sérieuse, l’histoire se révèle fantaisiste à souhait. Vouloir réinventer les origines du football dans le contexte de l’esclavagisme, il fallait y penser… Fiction à valeur d’exemple, le roman s’apparente à une fable, un conte qu’on imaginerait bien africain, justement.

 

Même schématiquement, tous les personnages sont individualisés, et les esclaves d’ailleurs davantage que les blancs – une petite revanche sur l’Histoire. L’évolution des esprits des travailleurs noirs est fine, progressive : d’abord circonspects face à ce qu’on leur demande de réaliser, ensuite rivaux face au chou-ballon, les « chouballeurs » ne comprennent qu’au bout de quelques parties l’intérêt de s’unir, d’abord dans le jeu, puis dans la vie en général… Que le sport soit libérateur ne fait aucun doute, mais le choix précisément du football, aujourd’hui gangrené par l’argent, n’est-il pas aussi une petite malice de l’auteure adressée à nos contemporains ?

 

L’histoire s’encadre du menu quotidien d’un médecin militaire nordiste, devenu propriétaire de la plantation après 1865. Les besoins simples et la réserve de ce personnage servent de contrepoint radical à l’horreur et la fureur de l’Amérique esclavagiste : la boucle est bouclée.

 

D’une brève écriture limpide, ce premier roman de Yamina Benahmed Daho fait découvrir une auteure intelligente, originale : Buuut !

 

Rien de plus précieux que le repos

De Yamina Benahmed Daho

Hélium – mars 2011

9,90 euros

 

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Vu dans la musette de Licéal : Fantasia, remarquable petite footballeuse, la remercie du conseil !





« D’une voix douce et mélancolique, Exode poursuivit : - Mais attention, Tommy, ce vœu doit porter le désir d’autres hommes et d’autres femmes. Rêver pour soi est important, mais il y a quelque chose de bien plus nécessaire : que ton rêve unisse les cœurs de ceux qui vivent sur cette terre, qu’il rende l’homme meilleur collectivement. Si ton voeu n’engage que toi, il se perdra avec toi. Mais s’il s’adresse à tous, alors il se transmettra, éternellement. C’est ça qu’il faut offrir aux hommes, un lien invisible qui les unisse et qu’ils ne pourront pas briser. Ceux qui nous ont imposé ces chaînes pensent que la vie humaine n’est pas précieuse et peut-être ne croient-ils pas en la possibilité de lendemains meilleurs. […] Tommy se laissait porter par ces mots et se mit à songer à un objet blanc et rond derrière lequel couraient des garçons de son âge. » (pp. 66-67)