L'Essuie-main des pieds - Gil Ben Aych
L’Essuie-main des pieds
De Gil Ben Aych
Ecole des Loisirs – collection Medium – mars 2011
10 euros
Dans ce livre, paru une première fois en 1981 en tant que pièce de théâtre, Gil Ben Aych nous raconte sa propre enfance sous les traits du petit Simon. Juif immigré d’Algérie avec sa famille en 1956, notre narrateur découvre un Paris encombré, une banlieue (Champigny-sur-Marne) encore en friche, et des habitudes françaises déconcertantes. Il apprécie toutefois le cinéma, le football, la télévision, les yaourts, les débats politiques familiaux entre communisme et capitalisme… Un monde disparu se dresse sous nos yeux, celui de la fin des années 1950, mâtiné de chaleur algérienne à forte consonance maternelle. D’ailleurs, la nourriture réconfortante, cuisinée avec amour, a un rôle primordial, allant jusqu’à constituer les titres de chapitres.
J’ai eu du mal à m’habituer à l’écriture, de longues phrases sans ponctuation au fil des pensées de Simon et des paroles qu’il entend, des dialogues hantés de points de suspension qui sautent d’un sujet à l’autre. Mais ce caractère très vivant correspond bien d’une part à l’oralité du théâtre, d’autre part à la verve des pays du sud. On ne peut s’empêcher de penser au Petit Nicolas : même époque, mêmes anecdotes croquantes, même drôlissime galerie familiale et amicale. Le personnage de la mémé, directement importée de sa cuisine de Tlemcen et que l’on découvre particulièrement dans les dernières pages du roman, a donné lieu à un autre petit ouvrage paru en 1982, Le Voyage de mémé (réédition Ecole des Loisirs, collection Neuf, février 2011) : la vieille dame ne supporte aucun transport et doit arpenter tout Paris à pied pour se déplacer…
Savoureux, plein d’émotion, historiquement marquant, L’Essuie-main des pieds plaira à des grands lecteurs ou des adultes.
Une jolie mais drôle de couverture signée Sereg...
J'en cherche encore la signification : un enfant éclaté entre différentes cultures ??
Quelques extraits en guise de mise en bouche :
« - Mais comment papa des émissions ?... - Des émissions !... Comme un petit film, qu'est-ce tu veux ch'te dise des émissions ch'peux pas te dire mieux... et entre chaque émission (même le mot émission tu veux ch't'explique), y a une speakerine qui annonce ; pour tous y font ds émissions : la vie des animaux, les philatélistes, la peinture et les films ; tu vas plus au cinéma t'y as tout à ta portée t'appuies sur un bouton ça chauffe et en avant la musique... » (p. 20)
« - Simon... Simon... tu veux ajouter un peu de fèves... je les ai faites comme maman... avec un peu d'ail et de l'huile d'olive, à l'étouffée... Jacqueline vous aimez ? - C'est très bon merci ma fi... - Et vous Jacqueline... ajoutez... - Non merci j'ai plus faim... - Allez les enfants, au lit c'est l'heure... Mais moi j'étais en pleine conversation avec ma cousine Annie-Claude qu'elle m'expliquait d'où venaient les yaourts, qu'à l'origine c'étaient des produits bulgares et qu'elle allait apprendre le russe plus tard et qu'elle irait dans ces pays-là parce qu'ils avaient besoin des jeunes pour construire le socialisme. » (p. 79)
« Et je comprenais pourquoi les Français étaient comme chez eux, aussi bien chez eux que chez les autres avec leurs mots à eux, où c'était plus précis que nous, pour dire une chose y fallait faire une phrase ou un mot arabe encore plus court qu'en français, mais l'arabe c'était autre chose tandis que le pied-noir c'était entre les deux, ni l'un ni l'autre sans arrêt. »(pp. 126-127)