Eté 2010, un lac près de Sponge. La jeune Laura est enlevée. On accuse immédiatement Jean-Alain dit Linlin, handicapé mental couvé par ses parents. Alice, une voisine, défend le jeune homme bec et ongles. Heureusement, un gendarme la croit…

 

La construction inexorable de ce roman policier s'apparente à une fine mécanique aux rouages huilés : on a une impression de destin en marche, de personnages ballotés par les évènements, le méchant compris.

 

Le livre joue d’abord de la diversité des personnages alternant de chapitre en chapitre : la sagement gentille Alice, l’embrouillé mais inoffensif Linlin, les gendarmes avec le courageux Nour, et le kidnappeur lui-même. A travers eux, un narrateur externe nous raconte le ballet des recherches, les chassés-croisés entre les roseaux autour du lac - élément servant de centre naturel au récit. Les psychologies s’individualisent rapidement, se creusent en quelques traits bien vus qui nous les rendent proches, mais se typent aussi en des figures prévisibles jusqu’au bout. L’originalité vient alors de la multiplicité des relations nouées : Alice et Linlin partagent un secret, Alice est attirée par Nour le gendarme, Laura flirte avec Linlin, Alice observe Laura, Nour apprécie Alice, les parents de Linlin étouffent leur fils, etc.

 

L'ouvrage joue ensuite sur la temporalité : resserrée sur le mois de juillet, elle saute de date en date, parfois dans le désordre, générant une tension dans la reconstitution des événements par le lecteur. Etendue jusqu’au prologue, cette temporalité peut même vous livrer la clé tragique de l’intrigue policière... Chut ! Vers les deux tiers du livre, on comprend brutalement la vérité. Ne reste plus qu'à se réjouir en suivant Alice et  les gendarmes s’agiter autour de Linlin, qui a tout vu mais ne peut pas le dire. L’action va alors très vite et on dévore les dernières pages, jusqu’au sursaut final qui laisse très, très mal à l'aise.

 

Diablement stimulant et tragique, ce dernier ouvrage de Jean-Paul Nozière teste avec une efficacité redoutable notre fibre émotionnelle et nos capacités de résistance au stress : du policier de haut style !

 

Rien qu’un jour de plus dans la vie d’un pauvre fou

De Jean-Paul Nozière

Thierry Magnier – février 2011

15,50 euros

 

 

 

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Petite anecdote, Jean-Paul Nozière a trouvé son titre mélancolique dans un roman de Tom Robbins, Comme la Grenouille sur son nénuphar (Gallmeister, 2009), et il l'inclut dans le corps même de son histoire :


« - Vous connaissez mon opinion, chef, déclara Dulac. Je crois que la brigade, dans son ensemble, est d’accord avec mon hypothèse. Il est évident que l’absence de Linlin, coïncidant avec la disparition de Laura, implique que le fada est dans le coup. J’ignore précisément ce qu’il en est, ce qu’il a fait, mais un orage a éclaté cette nuit-là dans la tête du garçon. Pour lui, ce n’est rien qu’un jour de plus dans la vie d’un pauvre fou. » (pp. 116-117)