Jacques Bonnet, éditeur et
traducteur, a rassemblé quelques dizaines de milliers de
livres dans sa bibliothèque personnelle. Cela lui a posé quelques
problèmes immobiliers, au vu du prix du mètre
carré parisien ainsi que des besoins liés à une
bonne conservation. Il a aussi du imaginer le rangement matériel
de sa collection, les ouvrages – et particulièrement les
livres d'art – n'ayant évidemment pas tous la même
taille.
Quid de l'ordonnancement intellectuel ? Il en existe tant et
plus et chacun trouve le sien ; Jacques Bonnet a opté pour
l'approche par langues, avec les incertitudes angoissantes que tout
classement comporte... Souvent, on lui demande comment il a choisi
tous ces volumes, et s'il les a tous lus. Questions agaçantes
pour un bibliomaniaque : il s'agit d'une passion, elle ne peut se
réduire à quelques explications rationnelles mais
plonge dans un passé personnel dont il nous livre ici des
bribes. D'ailleurs, Jacques Bonnet supporte mal de s'éloigner
trop longtemps de sa bibliothèque, comme s'il lui manquait
alors une partie de lui-même.
Au fil des ans, il a pensé
profondément son engouement, et il est capable de disserter sur la réalité
des personnages et de leurs auteurs, les images dans les beaux
livres, les bibliothèques brûlées ou
dispersées... et sur le livre électronique, évidemment.
Ce petit essai érudit reste toujours de lecture facile et sympathique, truffé de citations, d'exemples et d'anecdotes croustillantes autour de gens célèbres ou non. Résultat, après lecture, on le range illico presto dans sa bibliothèque !
Des Bibliothèques pleines de fantômes
De Jacques Bonnet
Denoël – octobre 2008
12 euros
A propos d'Internet (que Jacques Bonnet ne refuse absolument pas) :
« D'un côté j'ai l'impression d'être aux commandes d'un fabuleux bras articulé capable de toutes les performances dans le vide sidéral extérieur, de l'autre dans un utérus aux parois tapissées de rayonnages dont l'archétype romanesque pourrait être le Nautilus. » (p. 123)
A propos du devenir d'une bibliothèque privée :
« Il faudrait aussi aborder la délicate question de l'augmentation des divorces dans nos sociétés et le risque qu'elle fait courir à la pérennité de bibliothèques un temps conjugales. » (p. 126)
A propos des classements :
« Ainsi, Christian Galantaris cite ce règlement d'une bibliothèque anglaise de 1863 : « La parfaite maîtresse de maison veillera à ce que les oeuvres des auteurs hommes et femmes soient décemment dissociées et placées sur des rayons séparés. Leur proximité sauf à être mariés ne pouvant être tolérée. » (p. 47)
A propos de la volumétrie :
« [...] Antoine-Marie-Henri Boulard (1754-1825), ancien notaire et maire du VIIIème arrondissement sous Napoléon, [...] avait tout d'abord entrepris de sauver les livres que les confiscations et détournements révolutionnaires avaient jeté sur le marché, et finit par remplir neuf ou dix immeubles acquis pour y loger ses 600 000 volumes. » (pp. 31-32)
Dans la bibliothèque idéale de Fantasia, il y a (enfin, il y aurait, parce que Sophie ne veut pas qu'on achète tout...miaoowww je suis un chat frustré...) :
Pas mal, hein ? J'aurais été une excellente bibliothécaire !