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Les riches heures de Fantasia
16 février 2011

Une Interface ou juste un IBoy ?

iboy

IBoy

De Kevin Brooks

traduit de  l'américain par Sabine Boulongne

De La Martinière jeunesse – collection Fiction J – janvier 2011

12,90 euros

 

Tom Harvey habite une cité de la banlieue londonienne avec sa grand-mère. Un jour, il reçoit sur la tête… un IPhone. Il ressort de l’hôpital doté de pouvoirs fantastiques : une connexion instantanée à Internet, une grande force physique, une aura de radiations électriques… Tom va pouvoir utiliser ses nouveaux dons pour venger Lucy, une de ses amies violée par un gang de la cité.

 

L’ouvrage fonctionne sur une idée de départ saugrenue, peut-être un peu racoleuse (le IPhone est évidemment de la dernière génération). Certes, on se situe dans le registre fantastique, celui des super-héros aux doubles-vies : d’un côté le vertueux vengeur masqué, de l’autre le brave gars sympathique. Evidemment, la dulcinée du Tom réel va s’éprendre du IBoy clandestin. Bien sûr, le narrateur va souffrir de cet amour contrarié, se questionner peu à peu sur son droit à rendre justice lui-même. Mais le roman n’est pas que cette histoire archi-connue des amateurs de comics. Kevin Brooks n’écrit d’ailleurs pas forcément sur l’incroyable, préférant se fondre dans la réalité sociale la plus âpre. Une sorte de Ken Loach de l’écriture jeunesse, en quelque sorte. Ici, la vie de la cité explose dans toute sa violence, racontée dans ses détails les plus haïssables. Le passé de la mère du héros se mêle à l’histoire des gangs, et c’est finalement une maturité, une nouvelle sérénité que va gagner Tom au bout de cet accident de IPhone. Captivant, mais pas pour le pitch accrocheur !

 

Pour aller plus loin : du même auteur, Being (Rouergue, collection DoADo Noir, 2008) se compose également d’une trame fantastique et d’accents réalistes forts.

 

Deux films que j'aime et auxquels j'ai pensés, parce qu'ils véhiculent de mêmes atmosphère et vision sociale :

Sweet Sixteende Ken Loach (2002)

 

Fish Tank de Andrea Arnold (2009)

Si vous ne les avez pas encore vus, allez jeter un oeil sur les bandes-annonces !

 


interface2

 

Interface

de M.T. Anderson

traduit de l'anglais par Guillaume Fournier

Gallimard jeunesse - collection Pôle Fiction - janvier 2011

6 euros

 

Dans le futur, sur la Terre. Le jeune Titus va faire la fête dans des bars lunaires, avec des amis. Là, il est séduit par la belle et étrange Violet, qui manifeste une indépendance inhabituelle. En effet, elle s’amuse à résister à son interface, petit appareil implanté dans le corps de tous les êtres humains qui guide leurs pensées, leur souffle des désirs et les entraîne à consommer. Titus devient le petit ami de Violet ; il est déchiré entre elle et ses amis, son éducation si conforme au modèle voulu par l’interface.
Mais Violet est malade : son interface, implantée trop tard dans son développement physique, se dégrade peu à peu. Violet meurt. Titus, qui n’abandonnera pas sa vie habituelle, aura-t-il au moins pris conscience du système qui sous-tend l’interface ?
Ce roman d’anticipation suit évidemment les traces d’Huxley ou Orwell, en dénonçant les dangers d’une société de (sur-)consommation soutenue par une technologie de pointe et une publicité envahissante. En mettant en scène un univers adolescent typique, finalement très proche d’aujourd’hui, M. T. Anderson veut implicitement avertir les jeunes lecteurs contre une société perverse qui pourrait être notre futur direct. L’idée de l’interface, partie intégrante de l’humain, est habilement mêlée au récit. Une histoire d’amour impossible, plus ou moins à la Roméo et Juliette, parfait le tout… si ce n’est que le Roméo ne se révèlera pas franchement à la hauteur. Le vrai héros du roman n’est pas le faible Titus, mais la sacrifiée Violet. Cette fin toute en nuances rend d’ailleurs le livre d’autant plus choquant et urgent.

 

Initialement paru en 2004 dans la collection Scripto, le roman présentait alors la couverture ci-dessous, certes signifiante mais pas jolie jolie à mon goût... Celle de la collection de poche Pôle Fiction met bien plus en valeur l'ouvrage.

 

andersoninterface

 

 

En extrapolant... Un autre film que j'aime, de David Cronenberg, qui interroge avec force les relations entre le réel et le virtuel : Existenz (1999) [avec, pour les fans, Jude Law et Jennifer Jason Leigh, me dit de préciser Fantasia...!!]


IMG_5315

 

 

L’humain connecté

 

Iboy n’imagine que la coïncidence fortuite entre l’humain et la machine, Interface généralise le processus. Chimère depuis toujours et obsession de notre temps, le rapport homme/machine n’a pas fini de faire cogiter les écrivains… jusqu’à ce que la réalité les rattrape ? En attendant, les personnages des deux romans se posent plein de questions : sur leur liberté face à la machine (et éventuellement face à ceux qui sont derrière), sur l’utilisation des avantages qu’elle procure – pour soi et pour les autres -…

 

 

Le héros anti-héroïque

 

Les deux narrateurs, Tom pour IBoy et Titus pour Interface, ont en commun leur… banalité. L’un et l’autre se fondent dans un moule ordinaire, ni méchant ni bon, mais qui ne remet certainement pas en cause la société et ses lois. Face à des événements qui s’apparentent à des épreuves, ils réagissent différemment. Tom révèle sa nature généreuse et courageuse (qu’il ait les pouvoirs d’IBoy ou non) ; Titus, à l’inverse, s’enfonce dans un entre-deux puis dans la lâcheté.

 

 

L’amour, toujours ?

 

Tom et Titus vont tous les deux vivre une aventure sentimentale. Tom est l’amoureux transi d’une belle qui ne le voit que comme un bon ami, tandis que Titus jouit de sa supériorité sociale, de son expérience face à une jeune fille très fleur bleue. Là encore, le plus faible ne l’est qu’en apparence : la solidité de l’amour de Tom va sauver Lucy, et l’indifférence de Titus tuer Violet…

 

 

Une société à faire peur

 

L’action d’IBoy se déroule de nos jours, et la vision des banlieues que le livre montre est tout sauf encourageante. Pauvreté, trafics de drogues, viols collectifs… la grand-mère de Tom, pourtant si droite, y résiste à peine. Situé dans un futur indéterminé mais lointain, Interface offre une société à deux vitesses, les riches profitant des avancées technologiques s’opposant aux moins nantis qui doivent encore vivre à la façon du XXIème siècle (la nôtre…). Dans un cas comme dans l’autre, beaucoup de noirceur et un certain désespoir transpercent entre les lignes de l’intrigue.

 

 

IMG_5328

Pour garder son intégrité de chat 100% naturel et oublier la misère du monde,

Fantasia propose la politique de l'autruche. Pas forcément efficace, mais éprouvé.

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Commentaires
C
Kevin Brooks figure parmi ces auteurs anglais que j'affectionne bcp ! Comme David Almond.<br /> Et Patrick Ness.<br /> J'appuie aussi cette belle initiative de la coll. Pôle Fiction ! Cela permet de remettre au goût du jour des romans excellents !<br /> Oh yeah. :)
F
Moi il m'a beaucoup surprise : je m'attendais à de la grosse cavalerie fantastique, de l'action partout, et j'ai découvert tout autre chose.
B
j'étais déjà tenté par Being (que je n'ai malheureusement toujours pas lu), iboy me séduit particulièrement je dois dire.
F
Définitivement : Oui ! Les livres en grand format sont trop chers pour moi, et je me régale à acheter mes chouchous en poche.
E
Je suis très curieuse d'Interface. Cette collection Pôle Fiction est vraiment une chouette initiative.
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