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Les riches heures de Fantasia
10 janvier 2011

Coline et Matthias sont dans le même bateau...

Coline, 17 ans, dans la rue

De Valérie Lacroix

Thierry Magnier – septembre 2010

9 euros

vlcr

Sur un coup de tête, parce qu'elle n'en peut plus de sa mère alcoolique, Coline fugue avec son chien Lénine et entame une vie de SDF dans les rues de Lyon. Un téléphone portable, qu'elle allume de temps en temps, reste le seul lien avec sa vie passée...
L'emploi de la troisième personne n'empêche nullement une plongée psychologique intense dans les incertitudes de Coline, bien davantage que dans ses difficultés matérielles et physiologiques. Points d'exclamation, phrases au présent, divagations et souvenirs en italique : seule au monde, la jeune fille ne parvient pas à reprendre pied,ne veut d'ailleurs pas se confronter à son avenir. Puis, peu à peu, à la faveur de quelques rencontres voulues ou non, de quelques SMS répétés, elle va accepter de se socialiser à nouveau. La fin à Noël constitue une jolie note d'espoir que tous les jeunes dans la rue n'ont pas la chance de connaître – Valérie Lacroix ne l'occulte pas. Un sujet difficile, un choix d'écriture sensible : Coline est un roman du malaise adolescent par excellence.

 


Tout le monde est une idole

De Marie-Sophie Vermot

Thierry Magnier – octobre 2010

8 euros

 

msver

 

Au lycée, un jeune tueur fou a entièrement décimé la classe de Matthias. Ce dernier est le seul survivant et ne s’en remet pas. Il part alors se ressourcer chez ses grands-parents en Italie.

Le héros Matthias ne raconte pas beaucoup l’événement tragique. Il ne cherche pas non plus à savoir pourquoi cela a eu lieu. En fait, il choisit de se couper totalement de son passé français et de se construire un avenir italien. Mais à la faveur de quelques rencontres, de quelques conversations pertinentes, il se rend compte qu’il n’est pas seul au monde à avoir vécu une souffrance intense, et que fuir ne le mènera à rien. Petit à petit, un narrateur externe le voit évoluer vers une acceptation des chaos de la vie. La psychologie des personnages n’est pas excessivement disséquée, et pourtant tout le roman est criant de sensibilité : avec des petits gestes du quotidien, des menues actions, des réactions aux situations, une émotion forte passe entre les êtres. L’attentat du début n’est alors plus qu’un prétexte à un passage à la maturité. Un beau roman de sentiments, de relations fines, familiales ou non.

 


Parus à un mois d’intervalle, ces deux romans ont en commun une certaine brièveté dans le nombre de pages, dans le temps de l’histoire linéaire, et un style de phrases courtes, de mots simples. Il s’agit d’éviter toute construction longue et complexe pour laisser place aux sentiments bruts, aux souvenirs (Coline), aux réactions vives (Matthias).

L’emploi de la troisième personne permet a contrario d’échapper à l’apitoiement, de créer une distance par rapport à des sujets dits « de société », lourds et graves. Mais alors que l'histoire de Matthias, au soleil italien, est racontée classiquement au passé, celle de Coline utilise le présent, donnant un effet d'urgence : la vie dans la rue ne souffre pas de douceur. Dans tous les cas, cette écriture ultra-fine convient finalement autant à l’âge des héros qu’aux thèmes abordés : point n’en faut trop, mais ce qu’on a, il faut que ce soit intense.

Coline est une solitaire, elle ne peut pas s’appuyer sur sa famille inexistante, et refuse (d’abord) l’aide de ses amis. Elle se veut forte, capable de se débrouiller seule. Matthias est lui un jeune homme heureux dans sa vie, bien entouré, à la limite un tantinet capricieux. Il sait pouvoir compter sur ses grands-parents envers et contre tout. De deux manières très différentes, l’un comme l’autre s’estiment indépendants, détachés de ce qu’ils ne veulent plus affronter. Et pourtant, ils ne sont que des enfants perdus, agissant tels des papillons dans un bocal.

Les chemins empruntés par chacun afin de renouer avec la vie et un avenir divergent encore. Coline va jusqu’au bout de son expérience de la rue, et ne revient sur ses pas qu’à l’annonce d’un événement plus grave pour elle (le décès de son grand-père, le seul qui s’intéressait à elle). Il aura fallu qu’elle comprenne intimement qu’elle ne peut pas fuir la réalité. Par contre, Matthias réagit en interaction forte avec une multitude d’autres personnages : ses grands-parents, sa mère, Bianca, le père de Bianca… ce sont les parcours de tous ces gens, heureux, malheureux et/ou réconciliés avec le passé, qui vont constituer un exemple implicite et lui permettre de repartir en France.

Les deux conclusions sont donc heureuses, les auteures ont voulu que leurs jeunes héros se tournent vers du positif. Mais un positif nuancé, puisque leurs futurs restent ouverts, à « auto-construire ». On peut sûrement y voir le signe d’une littérature non plus infantile et infantilisante, mais passée dans un âge mature. L’adolescence reste bien l’âge de tous les possibles…

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Commentaires
C
J'ai lu le deuxième, mais pas (encore) le premier ... Gaëlle et moi, on se complète ! :)
A
Valérie Lacroix dans un style simple et direct nous fait vivre ce mal-être d'une "adolescence" à la recherche d'un peu d'amour et de chaleur qui souvent permettent d'éviter une souffrance prématurée à un âge, où l'on devrait être si "léger" dans sa tête afin de se construire durablement. <br /> J'ai beaucoup aimé... <br /> Agapanthe
F
Moi aussi j'aime bien cette auteure. J'ai quand même un point d'interrogation non résolu cette fois-ci : je n'ai toujours pas compris le titre !
G
j'ai dévoré le 1er, mais pas lu le 2ème! J'aime beaucoup en général ce qu'écrit MS Vermot.
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