Terrienne - Jean-Claude Mourlevat

Jean-Claude Mourlevat est toujours là où on ne l’attend pas. Avec Terrienne, il nous entraîne dans un roman fantastique très classique, sa petite musique en plus.

La jeune Anne recherche sa sœur Gabrielle, disparue depuis un an, depuis le jour de son mariage avec un quasi-inconnu de la famille. Elle parvient dans un monde parallèle au nôtre, « Campagne », où les gens sont physiquement parfaits et obsédés par l’hygiène au point qu’ils ne respirent plus. En se cachant, avec l’aide de quelques personnes à l’intérieur mais aussi sur terre (Etienne Virgil, écrivain en panne d’inspiration), Anne va peu à peu comprendre que sa sœur a été capturée pour devenir l’objet sexuel d’un riche notable. Elle va dès lors tout faire pour récupérer Gabrielle avant que celle-ci ne soit incinérée tel un rebut…

C’est de la science-fiction classique, glaçante à plaisir, avec ses inventions détournées de notre monde qui font d’abord lever les sourcils (quelle imagination !) puis ne manquent pas de nous faire réfléchir. Campagne est un monde aseptisé, comme si la population entière était prise de troubles compulsifs de propreté et de dégoût de la chair. Campagne est un monde corrompu avec ses pauvres et ses riches, ses secrets d’Etat et ses trafics. Logiquement, Campagne élimine (en les brûlant dans des fours…) ceux qui ne sont pas dans la norme et ceux qui ne servent plus à rien. A Campagne, on meurt… d’ennui.

Nous suivons la narratrice Anne, ou – de manière externe – les personnages secondaires. Gabrielle, perdue entre une pilule d’oubli et ses souvenirs humains, est sans doute la plus émouvante/terrifiante. Le déroulement chronologique du roman, en trois parties, fait l’effet d’une machine implacable, d’un piège dont on ne pourra se sortir qu’in extremis et miraculeusement.

Arrivé dans une maturité littéraire, Jean-Claude Mourlevat (Etienne Virgil ?) s’approprie les canons du roman fantastique traditionnel, et les maîtrise de son écriture personnelle si sensible.

Terrienne

De Jean-Claude Mourlevat

Gallimard jeunesse – janvier 2011

16 euros

Oui, ben moi, j'ai quand même eu peur,

alors je me suis cachée pour respirer tranquillement !

Un petit extrait pour en profiter, et montrer que Jean-Claude Mourlevat n'oublie pas son humour !

(pp. 191-192)

"- Les Plats ?

- Oui. Ces trucs qu'on nous oblige à manger de temps en temps pour nous entraîner à l'alimentation terrestre, tu sais, le gratin dauphinois, l'omelette aux fines herbes, l'escalope à la crème... Heureusement qu'on a nos anti-nauséeux pour supporter ça, hein ? Moi, c'est ce que je craindrais le plus si je partais en mission : la nourriture."

Comments

[Fantasia]

Bonne lecture Clarabel ! Je ne gâche pas ton plaisir, pas de souci... juste : il est toujours aussi étonnant !

[clarabel]

Tu l'as déjà lu ? Je fais durer le plaisir. L'attente. Je ne sais pas. Je suis toute fébrile à l'idée de l'ouvrir. JC Mourlevat et moi, c'est une grande histoire d'amour. Et j'espère qu'elle va durer... Aussi, dès qu'un nouveau livre paraît, je suis dans cet état ! Tsss. C'est beau l'amour ! ;)
(Je ne lis rien de ce que tu penses à son sujet. J'y reviendrai !)