Yvon Kader est mongolien, en a conscience et sait pourquoi : à sa naissance, il a malencontreusement bu de la lune... Entre dégoût de soi ("Je suis la bestiole de moi", p. 29) et envie d'un avenir, il nous parle de ses parents, de l'actualité, de ses amoureuses, de ses tentatives pour travailler. Au fond, Yvon Kader veut dynamiter ses ennuis, tout en ayant peur de se tuer alors lui-même...

Une pièce de théâtre sur le handicap mental, dans laquelle le personnage principal est le jeune handicapé lui-même : pas très séduisant, pas très évident... Jean-Pierre Cannet fait d'abord court, et il évite ensuite le déni heureux aussi bien que l'auto-apitoiement pour plonger au coeur de la révolte d'Yvon, en guerre contre sa tête défaillante et son corps pas comme les autres. Le jeune homme lucide exprime sa maladie directement ou par métaphores bien trouvées ("[...] ce pépin de pomme qui me reste au travers de ma naissance", p. 26). Sa capacité de recul signe une maturité grave, et il n'est souvent pas loin d'un adolescent lambda cherchant sa voie. Sur fond de banlieue et de mariage mixte, le dramaturge dit donc les mots justes, explore toutes les facettes du noeud familial qui se joue autour du héros. Découpée en anecdotes de vie signifiantes, la pièce est à la fois un cri d'espoir, d'amour et un hurlement d'impuissance... Une oeuvre nuancée et fine, qu'on verrait bien jouée par des collégiens à partir de 13 ans.

Yvon Kader, des oreilles à la lune

De Jean-Pierre Cannet

Ecole des Loisirs – collection Théâtre – octobre 2010

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